Trente et un ans après sa mort, l’icône du reggae ressuscite dans un documentaire bien pensé qui décortique sa personnalité façon puzzle.
« Près de deux heures et demi ? » On entend déjà les allergiques au reggae rechigner à l’idée de découvrir, pendant plus de cent quarante minutes, un documentaire sur Bob Marley. Pas de panique. Avec MARLEY, le spectateur est entre de bonnes mains, expertes même, celles de Kevin Macdonald. Si l’on goûte déjà ses films de fiction comme LE DERNIER ROI D’ÉCOSSE ou L’AIGLE DE LA NEUVIÈME LÉGION, le cinéaste écossais s’est également illustré avec des docs imparables comme LA MORT SUSPENDUE – sur deux alpinistes en perdition – et MON MEILLEUR ENNEMI – sur Klaus Barbie. Que l’on aime ou pas la musique made in Jamaïque, MARLEY se déguste donc avec un plaisir non feint, Macdonald parvenant à satisfaire connaisseurs et profanes en fouillant son sujet, tout en le déroulant avec pédagogie. Macdonald conte le destin du chanteur de sa naissance à sa mort, chronologiquement, avec quelques segments thématiques disséminés au fil du film. Le tout via un arsenal narratif extrêmement classique, usant de cartons explicatifs, d’interventions de proches et/ou spécialistes, et d’images d’archives. Pourtant, ce dispositif rabâché ne freine pas l’élan du film, qui refuse toute hagiographie béate. Qu’il s’agisse du pan musical ou de la vie intime de Bob Marley, le cinéaste ne met de côté aucune de ses zones d’ombre, y compris ses multiples relations adultères ou les conflits qui l’ont opposé à ses premiers collaborateurs. Cette richesse se révèle à plein dans la liste des interviewés, dont certains étaient jusque-là restés silencieux, comme la demi-sœur du chanteur, Constance, ou l’une de ses dernières maîtresses, Pascaline Bongo (fille d’Omar, ex-président du Gabon). Des témoignages allant du bouleversant à l’hilarant, qui ne manquent ni de lucidité, ni de pertinence, et sur lesquels Macdonald s’appuie avec intelligence pour construire son récit, comme avec Neville Livingstone, un des membres fondateurs des Wailers. De l’impact de la musique de Marley à son rastafarisme, en passant par ses préceptes d’éducation, le film dissèque ainsi sa personnalité avec un soin impressionniste renouvelant perpétuellement l’intérêt. On ne prétendra pas que MARLEY ne souffre d’aucune baisse de rythme, ou qu’il convaincra le réticent de devenir reggae-phile. Mais il a le grand mérite d’instruire quiconque est animé d’un brin de curiosité.
De Kevin Macdonald. États-Unis. 2h24.Sortie le 13 juin
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