KILL LIST : chronique

11-07-2012 - 11:38 - Par

L’Anglais Ben Wheatley livre un film d’une grande étrangeté, aux confluents de divers genres. On en redemande.

Jay et Shen, couple d’apparence tranquille, connaît de graves soucis financiers. Enrôlé par Gal, un ami, Jay s’embarque pour un boulot qui pourrait le remettre à flot, et sauver son couple. Ce qui va se passer ? Tout le contraire. Difficile de résumer KILL LIST, tant chaque détail dévoilé pourrait déflorer la part de mystère qui le régit. Le deuxième film de Ben Wheatley après DOWN TERRACE – inédit en France – fait partie de ces œuvres inclassables, que l’on conseillerait de découvrir quasi vierge. Histoire de préserver un certain effet de surprise. Mais même son contenu révélé a priori, KILL LIST s’avère d’une densité et d’une étrangeté qui l’empêchent de se limiter à un simple concept. Le risque était grand, pourtant, puisque Ben Wheatley est notamment connu pour son travail dans la pub… Avec KILL LIST, il livre une déconstruction de multiples genres. Le film débute ainsi comme une comédie dramatique sociale – on pense à Ken Loach – particulièrement affûtée dans son réalisme. Puis, lors d’une longue scène de dîner entre amis, se transforme en jeu de massacre du quotidien digne d’un Lars von Trier, où le cinéaste maîtrise avec brio une montée de tension dont on sait qu’elle finira par exploser. Reste juste à savoir quand. Et comment. Mais cela ne s’arrête pas là, puisque Wheatley pousse alors son film vers le polar le plus poisseux – comme si Tarantino tournait dans l’Angleterre des cottages – puis vers un succédané de THE WICKER MAN. Loin de se prendre les pieds dans cette construction gigogne, Wheatley parvient à donner à chaque pan une véritable identité, à articuler le tout sans à-coups scénaristiques artificiels. L’engrenage infernal connu par Jay, Gal et Shen, bien qu’il soit quasi surréaliste et d’une violence parfois insoutenable, ne paraît ainsi jamais surfait ou mécanique. Grâce à une fine caractérisation de personnages, des dialogues d’une rare efficacité, et une mise en scène particulièrement bien pensée, Ben Wheatley tricote un objet filmique aussi référencé qu’inédit, et surtout d’une extrême cohérence. Secoué de part en part, le spectateur ne peut que subir KILL LIST sans tout à fait le comprendre, d’autant que le cinéaste se garde bien d’expliquer ce qu’il montre. Si bien que KILL LIST, pour être totalement appréhendé, devra sans doute être disséqué lors de multiples visionnages. Tout le plaisir sera pour nous.

De Ben Wheatley. Avec Neil Maskell, Michael Smiley, MyAnna Buring. Royaume-Uni. 1h35. Sortie le 11 juillet

Note de la rédaction : 4/5

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