Parrainé par Edgar Wright, le brillant Ben Wheatley nous revient avec une comédie noire à mourir de rire.
Œuvre cryptique à la lisière de plusieurs genres, KILL LIST (sorti plus tôt en 2012) avait désarçonné plus d’un spectateur, gêné de ne pas avoir reçu le mode d’emploi. Son abstraction avait bâti sa réputation en même temps qu’elle avait propulsé celle de son auteur Ben Wheatley. On aurait pu s’imaginer voir ce dernier s’engouffrer dans la brèche d’un cinéma d’horreur aussi atmosphérique qu’abscons… mais au lieu de cela, voilà que le monsieur enchaîne avec un long- métrage aux antipodes de son précédent et plus accessible dans sa forme. Ce n’est pas pour autant que ce road-movie romantico-meurtrier issu de l’imagination des deux comédiens principaux, Alice Lowe et Steve Oram, se laisse sagement dompter. Comme KILL LIST, l’introduction est classique : Tina, une célibataire endurcie, est récemment tombée sous le charme de Chris, un homme affable, qui désire lui faire visiter en caravane le Nord de l’Angleterre. Tout commence pour le mieux dans cette idylle lancée sur la route au son de « Tainted Love » de Soft Cell (l’un des tubes pop composant l’excellente bande-son), jusqu’à ce que le bon plaisir de Chris ne soit perturbé par des trouble-fêtes. Des visiteurs irrespectueux de l’environnement, des fêtards bruyants et d’autres indésirables allant payer le prix fort de leur incivilité. De gentille comédie bigarrée, TOURISTES bascule en un claquement de doigt dans une virée sanglante à l’humour pince-sans-rire ravageur. On se surprend à s’esclaffer devant les atrocités commises par le couple qui épinglent moins la désagrégation des rapports citoyens que l’explosion de la cellule familiale dont Wheatley a fait une thématique forte de sa jeune filmographie. Sous le masque d’une farce moralement incorrecte et méchamment ironique (son final culotté illustré par les paroles de « The Power of Love » de Frankie Goes to Hollywood laisse pantois), TOURISTES nous emmène loin de la destination initiale promise. Partant d’une version caustique des TUEURS DE LA LUNE DE MIEL – pouvant sombrer dans une gratuité répétitive – le parcours des amants maudits finit par jauger l’échec d’une union, scellée par le crime, désunie par les déraillements ordinaires de la vie à deux. Une fois encore, Ben Wheatley s’est joué de nous et de nos attentes. Quand c’est fait avec autant de talent, on ne se fait pas prier pour un nouveau tour.
De Ben Wheatley. Avec Alice Lowe, Steve Oram, Dan Charles. Grande-Bretagne. 1h35 Sortie le 26 décembre
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