Pendant la crise des otages en Iran, un expert de l’exfiltration tente de sauver six ressortissants américains coincés sur place. Pour son troisième long-métrage, Ben Affleck plonge dans l’Histoire.
Iran, 1979. Les États-Unis se voient réclamer l’extradition de l’ancien Shah, hospitalisé à New York, afin qu’il soit jugé pour ses actes par les siens. Devant la résistance de la plus grande puissance du monde, les manifestants prennent d’assaut l’ambassade américaine à Téhéran, où les employés tentent de détruire des documents classés. Six d’entre eux parviennent à s’échapper et se réfugient chez l’ambassadeur du Canada. Par-delà l’Atlantique, 10000 kilomètres plus loin, la CIA consulte Tony Mendez (Ben Affleck), roi de l’exfiltration, pour qu’il échafaude un plan de sauvetage. Son idée ? Se rendre en Iran et convaincre les autorités que les ressortissants font partie d’une équipe de film canadienne, en repérages dans le pays pour préparer une grosse épopée de science-fiction : ARGO. Abracadabrant ? L’histoire est pourtant totalement réelle. Et elle est racontée via un storytelling imparable et une écriture absolument parfaite. Car ARGO ne relate pas simplement des faits géopolitiques : il entremêle de grandes réflexions sur l’hypocrisie des sociétés occidentales face aux dictateurs, sur la nécessité du secret d’État pour protéger des intérêts mais aussi des vies, et évidemment sur le pouvoir universel du cinéma – qui fait fantasmer de la même manière un militaire du Moyen- Orient et un enfant d’une grande ville de la côte est yankee. Et encore, c’est une liste bien trop courte pour décrire la richesse d’ARGO. Ben Affleck se garde bien, cela dit, de donner des leçons et fait preuve de grand discernement : il attribue des failles à tout le monde et si les Iraniens ont été crédules face à ce faux tournage en préparation, c’est parce que la ruse a été particulièrement bien préparée. Si les Américains ont eu besoin de filouter à ce point, c’est qu’ils se retrouvent confrontés à une rage sans limites qu’ils ont eux-mêmes attisée. Les uns sont présentés comme déterminés, les autres, condescendants jusqu’à la stupidité. Mais tous sont patriotes. Le personnage central, qu’Affleck s’est offert, a donc une mission très claire : sauver la vie d’une poignée de civils, dommages collatéraux d’un combat qui n’est pas vraiment le leur. Particulièrement intelligent, ARGO n’en lorgne pas moins vers la comédie : le gouvernement américain en prend pour son grade dans des scènes d’une malice inouïe et l’industrie hollywoodienne mange quelques répliques cinglantes. Bien que faisant preuve de recul face à l’absurdité de la situation, ARGO, dès que le récit se délocalise entièrement en Iran, se fait thriller et devient grave, politique. Et ne prête plus à rire. C’est un grand huit d’émotions perpétuel. Un gros morceau de cinéma, à la reconstitution soignée, au jeu impeccable, à la mise en scène virtuose. Très porté sur ses personnages denses et complexes ARGO nous rappelle le meilleur du cinéma coléreux et prolixe des années 70, car il n’a qu’un but : que le spectateur sorte de la salle la tête pleine et les yeux éblouis.
De Ben Affleck. Avec Ben Affleck, John Goodman, Scoot McNairy. États-Unis. 2h00. Sortie le 7 novembre
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