TRANCE : chronique

08-05-2013 - 10:38 - Par

Danny Boyle revient en Grande-Bretagne et renoue avec un cinéma méchant, diabolique… et d’une maîtrise qui laisse sans voix.

Après avoir envoyé une équipe internationale rallumer le soleil dans SUNSHINE, trimballé sa caméra en Inde avec SLUMDOG MILLIONAIRE et « torturé » un randonneur dans les canyons américains pour 127 HEURES, Danny Boyle revient en terrain connu. La Grande-Bretagne, où il avait tourné PETITS MEURTRES ENTRE AMIS ou encore TRAINSPOTTING. Des films de frappes, de voyous sans foi ni loi, qui ont durablement marqué les années 90. En s’attaquant au remake d’un téléfilm 100% briton (datant de 2001) centré sur un casse qui tourne mal, Danny Boyle trouve là l’occasion de renouer avec ce cinéma mal-aimable, du poil à gratter bourré de mesquineries et de coups bas. Jugez plutôt. L’employé d’une salle de ventes aux enchères (James McAvoy) s’associe à une poignée de malfrats pour piquer un tableau d’une valeur inestimable. Mais il les double à la dernière minute. Une beigne dans la gueule plus tard, sa mémoire s’est envolée. Où a-t-il caché la toile ? Impossible de s’en rappeler. Il se met alors d’accord avec le chef du gang (Vincent Cassel) pour consulter une hypnothérapeute (Rosario Dawson) afin de retrouver la trace de l’œuvre. Ont-ils vraiment tout à gagner à sonder l’inconscient de ce pauvre type ? Voyez l’amoralité des spécimens. Aujourd’hui, l’Écosse prolétaire a laissé sa place à un Londres indus-chic et les histoires un tantinet triviales qui ont marqué le début de carrière de Boyle sont supplantées par un scénario aux twists machiavéliques. Le récit est tricoté avec une rigueur redoutable, il est fort de personnages dont la nature, complexe, est déconstruite au fil de l’intrigue, d’anti-héros obnubilés par les rapports de force, verbaux ou sexuels. Peut-être TRANCE manque-t-il de la portée spirituelle qui transcendait les trois films les plus récents de Boyle, mais ce défaut n’est rien face à la malice et la rage qui emportent la narration. D’autant que, les années et l’expérience aidant, le cinéaste a atteint une maîtrise formelle désarmante. Il expérimente toujours plus en matière de mise en scène (avec, pour seul mot d’ordre, l’illusion), de montage, de photo. Il agresse – à dessein – avec des couleurs criardes (le bleu et l’orange) et un score lobotomisant (signé Rick Smith, du groupe Underworld, déjà présent dans TRAINSPOTTING, LA PLAGE ou SUNSHINE). Il injecte du gore, embrasse le surréalisme, frôle le mauvais goût. Il met le spectateur dans un état d’alerte permanent, jusqu’à l’hallucination, jusqu’au vertige. Devant la gageure de filmer et raconter la manipulation de l’inconscient (un défi relevant de l’impossible), Boyle immerge le public dans une nébuleuse troublant toute perception. TRANCE, ou le coup de poker payant d’un cinéaste en perpétuelle quête de transgression. Impressionnant.

De Danny Boyle. Avec James McAvoy, Rosario Dawson, Vincent Cassel. Grande-Bretagne. 1h40. Sortie le 8 mai

 

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