Toronto 2013 : HORNS / Critique

07-09-2013 - 18:46 - Par

D’Alexandre Aja. Avec Daniel Radcliffe, Max Minghella, Juno Temple. Vanguard.

Pitch : Ig Perrish (Daniel Radcliffe), accusé du meurtre de sa petite amie, Merrin (Juno Temple), découvre un matin que des cornes lui poussent sur le front. Très vite, il comprend que celles-ci lui donnent le pouvoir de forcer ses interlocuteurs à lui avouer leurs plus terribles secrets, leurs pensées les plus intimes. Il va alors le mettre à profit pour trouver l’identité de celui ou celle qui a véritablement tué sa fiancée…

« Le Diable n’est jamais le héros », entend-on dans HORNS. Ou presque. Avec son nouveau projet américain, adapté d’un roman de Joe Hill (le fils de Stephen King), Alexandre Aja redistribue les cartes et fait d’une figure maléfique son héros, même si HORNS s’avère plus trouble qu’il n’y paraît. Car si Aja ouvre le film avec une citation tirée du « Paradis Perdu » de Milton, dans laquelle Satan exhorte ses troupes à rejoindre la bataille – « Réveillez-vous, levez-vous ou soyez pour l’éternité déchus » –, dans le cas de Ig Perrish, on la prendra plus comme le symbole de sa prise de conscience morale et spirituelle, de la prise en main de son destin. Pas comme la preuve d’un quelconque pacte passé avec le Mal. S’il ne s’érige pas contre l’injustice qui le frappe, contre le fait que l’assassin de sa petite amie soit encore en liberté, sa vie se terminera entre quatre murs et son âme restera perdue dans les limbes. Et si pour se réveiller, pour s’élever, il doit sombrer dans le péché, ainsi soit-il. Pourvu qu’il l’assume. Des enjeux dramatiques qu’Aja expose avec une efficacité redoutable dès la première séquence du film, une juxtaposition formellement splendide de l’avant / après la mort de Merrin, où les notes du « Heroes » de David Bowie viennent donner au visage désormais étrangement viril et adulte de Daniel Radcliffe des airs graves de martyr mélancolique. Dès lors, HORNS se déroule telle une fable dont les décors vont du pur conte de fées (cette forêt irréelle où Merrin a péri) à une Americana prolo d’inconscient collectif (diners et bars miteux, usines délabrées). Des images d’Epinal qu’Aja maîtrise à la perfection et sculpte à son gré pour donner à HORNS une identité bien plus marquée. On retrouve en effet tout l’esprit joueur du cinéaste, celui qu’il avait mis à profit dans PIRANHAS et dans lequel se mélangent farce et cruauté, ironie et premier degré. Si bien que la quête d’Ig Perrish, allant du burlesque au franchement tragique, permet à Aja de bâtir un film hybride, classique dans sa facture (narration carrée, flashbacks informatifs, rebondissements survenant au bon moment, mise en scène discrète), mais foncièrement surprenant dans sa manière d’aligner des scènes dont on sait rarement ce qu’il va en ressortir. Là résident de véritables émotions fortes : l’amour d’Ig pour Merrin vibre littéralement à l’écran – Radcliffe livre une prestation remarquable –, la rage de sa quête vengeresse donne lieu à de véritables et gracieux moments d’horreur… Malheureusement, cette mécanique s’enraye dans le dernier acte du film. Tirant sur la longueur, le récit bégaie, et Aja, comme s’il ne faisait pas confiance au lyrisme de son sujet, tente de trop en dire, de trop expliquer, et ne parvient à conclure dans les temps. Les révélations de l’enquête d’Ig se font plus prévisibles, les règlements de compte plus calculés et l’humour sardonique, qui fascinait jusqu’alors, est aux abonnés absents. Le nouveau pouvoir d’Ig se fait lui moins symbolique, plus pragmatique et les parallèles avec les mythes religieux plus didactiques. Il n’empêche qu’en dépit de cette perte de vitesse, HORNS reste un spectacle hautement recommandable, aux qualités indéniables. Mieux, il rappelle que parmi les auteurs français, Alexandre Aja est l’un de ceux dont le style est le plus assumé et dont l’audace est la moins feinte.

D’Alexandre Aja. Avec Daniel Radcliffe, Max Minghella, Juno Temple. Etats-Unis / Canada. 2h03. Prochainement

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