FURY : chronique

22-10-2014 - 09:55 - Par

En dépit de quelques élans peu maîtrisés, le nouveau David Ayer se révèle une étude de personnages précise et une expérience de cinéma saisissante.

Dix mois après le débarquement en Normandie, les Alliés continuent leur progression en Europe mais subissent encore les assauts nazis. Wardaddy (Brad Pitt) et ses hommes, équipage d’un tank blindé, font partie de ces derniers combattants. En route pour une mission d’importance, les cinq soldats vont se retrouver confrontés à une situation désespérée, loin, très loin derrière les lignes ennemies… Avec BAD TIMES, AU BOUT DE LA NUIT, END OF WATCH et le récent SABOTAGE, David Ayer s’est forgé une filmographie entièrement portée sur l’étude de la virilité, de la camaraderie – ou du conflit – entre hommes. Un thème qu’il avait même abordé de manière directe ou indirecte dans les scénarios de U-571, FAST & FURIOUS, TRAINING DAY, DARK BLUE ou SWAT. Alors quoi de plus logique qu’il s’attaque aujourd’hui à l’univers masculin par excellence – au moins au cinéma – de la guerre ? Tout comme certains des meilleurs films du genre (de SOLDAT RYAN aux DOUZE SALOPARDS), FURY se pose en ‘men on a mission movie’. Un point de départ idéal pour décortiquer la fraternité unissant une poignée de personnages risquant leur vie au quotidien et ne pouvant compter que sur leurs compagnons pour survivre. Ces liens quasi métaphysiques, Ayer les explore sans détour, via des anti-héros forcément archétypaux – un truchement permettant de dérouler à l’écran divers points de vue – auxquels vient s’ajouter un candide (Lerman, excellent). Rien de bien original, certes, mais les talents d’écriture d’Ayer font rapidement oublier ce sentiment de déjà vu : de répliques sentencieuses en prises de bec ou vannes graveleuses, l’amour que se portent ces hommes éclate à l’écran. D’autant que le réalisateur parsème FURY d’une foultitude d’images à la puissance d’évocation assez folle – qu’elles soient violentes ou pas –, à l’instar de la toute première scène, long travelling dans un no man’s land de sang, de boue et de ferraille, baigné d’une lumière aurorale et parcouru d’un pesant silence funeste. Là va se jouer le premier acte d’une horreur quasi banale sur le front, proposant au spectateur un portrait de la guerre forcément sans concession. C’est malheureusement dans cette volonté de signer une sorte de film de guerre ultime qu’Ayer se perd parfois. Lorgnant autant vers l’humanisme d’un Spielberg que vers la violence crépusculaire d’un Peckinpah et la faconde détachée d’un Tarantino, FURY semble infusé dans trop d’influences, désireux de trop en dire. Jusqu’à parfois inutilement déborder, comme dans cette longue scène de déjeuner où les hommes de Wardaddy pénètrent chez deux jeunes allemandes et qui, à force de bâtir une tension étouffante, finit par la laisser retomber maladroitement. Un petit manque de rigueur (d’identité ?) détectable également dans la grande prévisibilité dramaturgique du récit. Pourtant, en dépit de ces défauts, de quelques dialogues bien trop didactiques – souvent déclamés par l’horripilant Jon Bernthal dans son énième imitation de De Niro –, FURY demeure une expérience de cinéma saisissante dansant avec intelligence sur les questions morales et dégageant une extraordinaire tristesse, à l’image du soldat campé par un Shia LaBeouf touchant de sobriété.

De David Ayer. Avec Brad Pitt, Shia LaBeouf, Logan Lerman, Michael Peña et Jon Bernthal. Etats-Unis. 2h14. Sortie le 22 octobre

 

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