INTERSTELLAR : chronique

29-10-2014 - 13:37 - Par

Follement ambitieux et touchant dans ses faiblesses, INTERSTELLAR est purement nolanien. L’émotion – même retenue – en plus.

Ravagée et surexploitée, la Terre fatigue. Les hommes vivotent dans la poussière, sans espoir pour le futur. Mais une expédition spatiale pourrait tout changer : et si l’Homme découvrait un nouveau monde pour en faire son berceau ? Cooper, ancien pilote et ingénieur, est choisi pour diriger la mission. Il laisse derrière lui ses deux enfants… Grand cinéaste des idées et de l’intellect, Chris Nolan n’a jamais versé dans le pur sentiment ou le mélodrame exalté. Et pour cause : son cinéma a toujours été entièrement dévolu à l’aliénation, à l’obsession, à l’impossibilité du lien. Avec INTERSTELLAR, il tente d’embrasser pleinement l’émotion en plaçant au cœur du récit la relation fusionnelle entre un père et sa fille. De ce point d’ancrage, il tire une poignée de scènes bouleversantes observant sans grand discours le temps qui passe, les fautes, les promesses intenables, la rancœur, le pardon. Là, pour la première fois, Nolan fait davantage parler son palpitant que son cortex, étreignant des sentiments intangibles visant avant tout l’identification du spectateur, filmant plus les visages que l’espace. Pourtant, même si le cinéaste s’ouvre incontestablement à un cinéma plus vibrant, il peine à tenir cette évidente note d’intention. Paradoxalement, son désir de contrôle et de retenue, trop fort, touche par sa mélancolie, tant Nolan y expose sans fard ses propres lacunes sentimentales : des personnages devisent longuement de l’amour, de l’indicible lien humain, mais sont incapables de les vivre pleinement, comme lui ne parvient pas totalement à les faire exister à l’écran. Étrangement vu son sujet, INTERSTELLAR manque même de merveilleux. INTERSTELLAR demeure toutefois une expérience de cinéma exaltante, tant il déborde d’une incontestable ambition et d’un admirable appétit de storytelling. Sur près de trois heures, le cinéaste balaie un nombre fou d’idées – le gâchis des ressources naturelles, le besoin de l’exploration, le bien commun contre le bien personnel, la notion de parentalité… – et, plus qu’un film sur l’individu, livre au final un film sur l’espèce où de brillantes idées de mise en scène côtoient de remarquables prestations d’acteur. Sombre, désespéré, souvent contrit, parfois solennel ou profondément cruel, INTERSTELLAR se pose ainsi en nouveau fascinant portrait de l’obsession nolanienne. Pas étonnant, donc, qu’il n’emprunte pas à Spielberg son sentimentalisme mais plutôt l’égoïsme du Roy Neary de RENCONTRES DU TROISIÈME TYPE qu’il mène à une surprenante conclusion thérapeutique.

De Christopher Nolan. Avec Matthew McConaughey, Jessica Chastain, Anne Hathaway. États-Unis. 2h50. Sortie le 5 novembre

 

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