RED ARMY : chronique

25-02-2015 - 09:25 - Par

Le sport, opium du peuple ? RED ARMY est un documentaire choc et drôle sur le rôle géopolitique du hockey.

« Je ne peux pas vous garantir que les gentils gagnent à la fin », nous dit le Président américain Ronald Reagan en guise d’introduction au documentaire RED ARMY. Rires, bien sûr. Il faut dire que le film revient sur le fabuleux palmarès de l’équipe de hockey nationale de l’Union Soviétique, « preuve que le système fonctionnait ». Le système communiste, évidemment : l’équipe, créée sous Staline, a connu ses plus grandes heures de gloire durant la guerre froide. En s’entretenant avec Viacheslav Fetisov, l’un des plus grands joueurs soviétiques de l’époque et personnalité haute en couleur fan du doigt d’honneur, Gabe Polsky (producteur devenu réalisateur) dessine les contours politiques d’un sport collectif utilisé comme une arme de propagande. « Le sport, c’est une guerre », nous dit-on à mesure que se dévoilent les liens entre le KGB et le hockey. Mais RED ARMY, série d’entretiens et d’images d’archives rares, a oublié d’être trop solennel : aux côtés de son papi, un ancien du KGB chargé d’escorter l’équipe durant les déplacements à l’Ouest (lors des JO de Lake Placid en 1980 notamment), une petite fille s’interroge: c’est quoi le KGB? Une époque révolue, presque un folklore de roman d’espionnage, non ? Le régime répressif du communisme, rappelé au souvenir d’anciens joueurs adulés, n’est pourtant pas si loin. D’un témoignage à l’autre, on passe du rire franc aux grincements de dents. Ces athlètes – aujourd’hui en paix – ont été entraînés à la dure, forcés à tous les sacrifices pour défendre les valeurs du système face au capitalisme. Des amitiés ont été détruites, des tortures pratiquées. Polsky soulève frontalement la question du collectif contre l’individu, face à un Fetisov qui a été littéralement le prisonnier sportif et politique d’un gouvernement méprisant ses ambitions : à la chute du bloc soviétique, on a autorisé le hockeyeur à partir en NHL, promesse d’une carrière et d’une vie meilleures. Mais pas à quitter le pays… Craignant l’émigration massive des talents, la vieille Russie s’accrochait à ce qu’elle savait faire de mieux : l’intimidation. Viacheslav Fetisov, face caméra, évoque la fin des idéaux communistes, la découverte du jeu individualiste très yankee, et le prix de l’American Dream… Mais même les Américains l’avouent: le jeu russe a une force cohésive qui dominera toujours le jeu plus personnel des États-Unis. Alors, qui est-ce qui gagne à la fin? La réponse est moins définitive que douce-amère… RED ARMY, docu enrichissant et malicieux, porte un regard profondément humaniste sur ces sportifs qui ont été faits et défaits par la géopolitique.

De Gabe Polsky. Documentaire. États-Unis. 1h16. Sortie le 25 février

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.