Dossier : FAST & FURIOUS 7, Unstoppable

30-03-2015 - 09:00 - Par

À l’occasion de la sortie de FAST & FURIOUS 7 en salles, (re)découvrez notre dossier consacré au film.

Cet article a été publié au préalable dans le magazine Cinemateaser n°42 daté de mars 2015 

En 2001, à la sortie de FAST & FURIOUS, qui aurait pensé que la franchise serait encore là quinze ans après, au septième volet, plus importante que jamais ? Personne, pas même Vin Diesel et Jordana Brewster, qui reviennent pour Cinemateaser sur cette saga inarrêtable. Même quand l’adversité s’acharne sur elle.

CinemaCon, congrès des exploitants américains, 16 avril 2013. Plus d’un mois avant la sortie de FAST & FURIOUS 6, Vin Diesel annonce déjà, triomphal, la date de FAST & FURIOUS 7 : le 11 juillet 2014. Au sein de la Fast Team, l’ambiance est donc à la grosse confiance, aux pectoraux gonflés à bloc, à la danse d’intimidation : FAST & FURIOUS 6 va mettre le box-office à genoux. Les tracking numbers – ces chiffres révélant la connaissance que le public a d’un film avant sa sortie – sont énormes et FF6 a tout pour remporter le week-end du Memorial Day, l’un des plus importants de l’année. Au jour J, une fois la fumée retombée, le sixième volet de la franchise s’affirme en poids lourd historique et affiche 117 millions de dollars de recettes en quatre jours d’exploitation. Loin devant son opposant direct, VERY BAD TRIP 3, qui culmine à 62 millions. FAST & FURIOUS 6 finira à 788 millions de dollars de recettes mondiales. Un mastodonte. Immédiatement, FAST & FURIOUS 7 entre logiquement dans la course au milliard de dollars de recettes globales, seuil mythique franchi par seulement 19 films. Aucun doute dans la tête des analystes et de l’industrie : FAST & FURIOUS 7 sera gigantesque, un accomplissement, la dernière étape de l’OPA opérée sur le box-office par la saga – une des rares « originales », non adaptées des omniscients comics. D’autant que sa distribution, déjà bien fournie en action stars adulées, accueille un nouveau monument du genre : Jason Statham, en ancien membre des Forces Spéciales venant réclamer vengeance auprès de Dom Toretto et sa bande. Il est en effet le frère du vilain de FF6 – Statham y apparaissait brièvement pour une scène post-générique. Mais d’aucuns diraient que les plans envisagés par la Fast Team pour son septième bébé ne se seront pas déroulés comme prévu. Vrai. Que l’adversité a même bouleversé le futur de la franchise. Vrai aussi. Ne pas oublier toutefois que, depuis ses origines, la saga FAST a fait mentir toutes les prévisions et surmonté tous les obstacles. Courir le vent en pleine gueule : voilà le credo de cette licence outsider qui s’est faite à la seule force de sa conviction.

Deux semaines avant l’annonce faite par Diesel au CinemaCon, FAST & FURIOUS 7 connaissait déjà son premier écueil : Justin Lin, à la barre depuis FAST & FURIOUS 3 : TOKYO DRIFT, a décidé de raccrocher, effrayé à l’idée de devoir enchaîner le tournage de FF7 immédiatement après en avoir fini avec FF6. « C’est lui qui avait redonné vie à la franchise, nous explique l’actrice Jordana Brewster. Il a réussi à la faire évoluer tout en gardant son intégrité. Il en a fait quelque chose de plus énorme, ce qui était nécessaire pour la transformer en tentpole. » Flash-back. En juin 2001 sort sur les écrans américains FAST & FURIOUS, petit film d’action dirigé par Rob Cohen pour 38 millions de dollars, avec en tête d’affiche deux figures montantes : Vin Diesel et Paul Walker. La presse s’en désintéresse, le qualifie au mieux d’objet idiot vaguement amusant. Personne ne sent venir le succès : FAST & FURIOUS rembourse son budget en un week-end d’exploitation et rapporte, en bout de course, 207 millions de dollars dans le monde. La néofranchise n’est alors qu’un épiphénomène circonscrit aux États-Unis – le film y engrange près de 70% de ses recettes. « À l’époque, je ne pensais pas qu’on en ferait un deuxième, nous confie Vin Diesel en se marrant. Pour tout vous dire, j’avais même supplié le studio de ne pas en faire un autre. C’est dur pour les gens aujourd’hui d’imaginer ça mais il y a quinze ans, si vous lanciez une suite, vous ruiniez automatiquement l’intégrité du film original. Sur le premier, j’avais eu l’impression que nous avions accompli quelque chose et je ne voulais donc pas qu’il y ait de suites, qu’on tue cette crédibilité. » Sachant que tuning a rarement rimé avec crédibilité, tout le monde laisse Universal lancer 2 FAST 2 FURIOUS dans l’indifférence générale. Réalisée par John Singleton, produite pour un budget deux fois supérieur, sans Vin Diesel mais avec Paul Walker et les nouveaux venus Tyrese Gibson et Ludacris, cette suite réussit à rapporter plus que son aîné. Surtout, les recettes à l’international croissent. La licence FAST commence à frémir… puis retombe comme un soufflé. Le troisième épisode, confié à Justin Lin, ne met en scène aucun des personnages des deux premiers films. « C’est dingue : ni Vin ni moi ne faisions le troisième volet, se souvenait Paul Walker en novembre 2013 sur le site Collider. Universal avait même prévu de sortir un quatrième opus directement en vidéo. Ils allaient se débarrasser de la franchise. Vin a su que les projections tests de FF3 étaient mauvaises, alors il leur a dit : ‘Je vais faire un caméo’. Il voulait mettre en place le quatrième film. Le studio a accepté et c’est comme ça qu’on a tous eu une seconde vie. »

Voilà l’une des plus belles résurrections de l’histoire du cinéma contemporain : vouée à échouer dans les bacs à DTV mettant en scène Eric Roberts ou Piper Perabo, la saga FAST & FURIOUS renaît de ses cendres et prend son envol… à son quatrième épisode. FAST & FURIOUS 4, qui rameute les héros du premier film, rapporte 363 millions de dollars. FAST & FURIOUS 5, sorte d’AVENGERS de la saga, en amasse 626. Mieux : avec son inventivité over the top, le décomplexé FAST & FURIOUS 5 enthousiasme la critique et les esthètes de l’actioner. L’effet « détruisons Rio à coup de coffre-fort », sans doute. FAST & FURIOUS 6 continue sur cette lancée et engrange 788 millions de dollars. Les analystes perdent leur latin : hormis le faux pas TOKYO DRIFT, la franchise FAST n’a jamais cessé de voir ses recettes croître. Les cinéphiles s’interrogent : quelle série peut se targuer d’être devenue cinématographiquement intéressante à… son cinquième volet ? « Cette saga a eu une vie propre », nous dit Jordana Brewster. Un commentaire d’une grande justesse. En effet, personne ne semble jamais avoir eu prise sur cette licence, qui s’est développée au mépris de toutes les conventions, comme menée au sommet par le seul bon vouloir du public. Mais aussi par les délires démiurgiques de Vin Diesel qui, au bord de sa piscine, aura passé des jours à planifier chaque nouveau volet avec Justin Lin, à bâtir l’édifice FAST & FURIOUS. Une Sagrada Familia filmique en perpétuelles évolution et construction. Alors, même le départ de Lin ne peut effrayer Diesel : « Justin était partie intégrante de cette franchise, nous confie l’acteur. Quand Universal a annoncé vouloir sortir FF7 en juillet 2014 alors qu’il n’avait pas encore fini FF6, le timing est devenu impossible. J’ai totalement compris qu’il jette l’éponge. Il ne pouvait tout simplement pas le faire. » Autant dire que Lin a été sacrifié au profit du désir d’Universal de capitaliser sur l’aura de sa franchise. En ligne de mire, ce satané milliard…

Le remplaçant de Lin ? James Wan, 38 ans et visage d’éternel adolescent qui, depuis dix ans, aligne certains des plus retentissants succès du cinéma d’horreur – SAW, INSIDIOUS ou CONJURING. Un réalisateur misant sur la précision de sa mise en scène mais qui, en dépit de son immense talent, n’a jamais touché au moindre gros budget. CONJURING, son projet le plus cher avec 19 millions au compteur, a coûté autant que ses quatre films précédents. Avec FF7, le voilà à la tête de dix fois plus. Risque inconsidéré ? Walter Hamada, patron de New Line et producteur de CONJURING, analyse : « James a conceptualisé chaque scène de CONJURING et chacune d’elles était un vrai puzzle. C’est pour ça qu’il sera génial dans le film d’action : les actioners sont des mécaniques méticuleusement assemblées. » De son côté, Wan a toujours fait savoir qu’il ne comptait pas se limiter : « J’ai payé mon dû au monde indé », disait- il ainsi à la sortie d’INSIDIOUS. À peine engagé sur FAST & FURIOUS 7, il annonce son intention d’en faire un revenge movie typé 70’s, lui qui a déjà filmé le vigilantisme délétère dans DEATH SENTENCE. « James est un ninja, s’enthousiasme Paul Walker en novembre 2013. C’est un guerrier assassin. Justin était pareil. J’aime la façon dont il compose ses plans. »

Peu de temps après la publication de ces propos enthousiastes, Paul Walker décède dans un accident de la route. La planète s’émeut. Les médias soulignent la cruelle ironie des circonstances de sa mort. Le tournage de FF7 est suspendu. Au cours des semaines suivantes, Universal et l’équipe se demandent : doit- on recommencer les prises de vues depuis le début ou continuer sans Walker ? La seconde option prévaut : Brian O’Conner, son personnage, se retirera des voitures et ces quelques changements narratifs seront filmés grâce à l’aide des frères de l’acteur, Caleb et Cody. La sortie est repoussée de près d’un an. « Parvenir à ce premier jour de tournage [sans Paul] a été la chose la plus difficile au monde, nous explique Vin Diesel. Une semaine avant, les boss du studio m’ont appelé : ‘Dis-nous si tu ne peux pas le faire. Si tu ne peux pas, on récupère l’argent des assurances et on recommence tout’. » Non. Il faut continuer, coûte que coûte, rendre hommage à Walker, que Diesel appelle son « frère ». « Bien sûr, j’ai pensé refuser, nous dit Diesel. Qui peut faire son deuil et aller sur un tournage pour faire semblant de regarder la personne que l’on est en train de pleurer ? J’avais peur : ‘Et si l’on ne parvient pas à honorer Paul ?’ Je devenais fou à l’idée que quelqu’un ait le désir d’exploiter sa mort. Avoir ses frères [avec nous] était une grande validation. Cela nous rappelait que son sang se battait pour protéger son héritage. » Au bout du compte, les quatre mois de hiatus puis les treize semaines de tournage supplémentaires auraient coûté 50 millions de dollars en assurances. Mais cette solution permet à la saga de continuer sa route.

Rien ne semble pouvoir arrêter FAST & FURIOUS. Derrière cette marche volontariste, certains verront le désir d’Universal de ne pas perdre sa poule aux œufs d’or – qui, en l’absence de nouveaux BOURNE ou JURASSIC PARK, fut pendant quelques années sa seule franchise live action d’envergure. De longue date, le studio prévoit de continuer FAST au-delà de son septième volet. Sur le tournage de FF6, Vin Diesel lâchait à Empire avoir des plans jusqu’à FAST TEN ! Quelques semaines avant sa mort, Walker déclarait : « Même si le 7 se plante, le 8 est assuré de se faire ». Récemment encore, Donna Langley (patronne d’Universal Pictures) expliquait au Hollywood Reporter : « Nous pensons avoir encore trois films à faire [après FF7]. Paul [Walker] est, et sera toujours, une partie intégrante de l’histoire. Mais il y a beaucoup d’autres excellents personnages. Il s’agit d’une franchise en expansion. (…) Il y a encore quelque chose à creuser, même si nous sommes très conscients du risque de lassitude. » Quant à Diesel, il n’a jamais caché penser à long terme : « Je suis le mec qui demande au studio de réfléchir en trilogies », nous dit-il.

Mais au-delà d’évidentes considérations commerciales, la franchise FAST est chère à Diesel. Si le propos sur la famille que véhicule la saga fait parfois sourire, il n’en demeure pas moins le vrai moteur des films et des relations de l’équipe en coulisses. « Quand les gens d’Universal m’ont offert plus d’argent que quiconque pourrait imaginer pour tourner 2 FAST 2 FURIOUS, ils ont appris que l’argent ne motive pas mes décisions », nous dit-il. Diesel carbure à la relation qu’il entretient avec le public sur les réseaux sociaux – 90 millions de fans sur Facebook ! Le retour de Letty (Michelle Rodriguez) dans FF6 ? Dû à la promesse faite à ses admirateurs. Diesel, mieux que quiconque, sait que FAST dispose de l’une des fanbases les plus fidèles qui soient. « Lire à quel point un film peut être important pour quelqu’un vivant dans un autre pays m’incite à continuer. Ils s’associent à la ‘Fast Family’. Pour eux, c’est leur famille ! C’est magnifique et ça me motive. Et puis, avant toute chose, en dépit des folles cascades, les films FAST ont du cœur. » L’une de ses fiertés ? « Avoir pu tourner dans un endroit où la police locale ne pouvait pas aller… ce qui a été le cas à Rio sur FF5. Justin voulait emmener un énorme projet de studio dans le ghetto. » La saga FAST est une question de street cred’, de contact avec un public ayant fait d’elle sa championne. À ce titre, Diesel veille à ce que FAST ressemble à son public. À tous ses publics. « Je suis très fière que la franchise soit si populaire chez les Latinos, nous déclare Jordana Brewster. Car Vin, Michelle et moi-même en sommes les représentants. » Sud-Américains, Afro-Américains, Caucasiens, Asiatiques… : aucune autre franchise de cette stature ne défend la diversité ethnique comme FAST & FURIOUS. Ce qui, encore à l’heure actuelle, n’est pas la plus mince des affaires. « Il serait avisé que plus de films prennent modèle sur le casting multiculturel de la série FAST & FURIOUS, dont le succès grandit à chaque nouvel épisode », a écrit le producteur Reginald Hudlin (DJANGO UNCHAINED) dans une tribune du Hollywood Reporter. « On a toujours été très fiers de tourner dans d’autres pays, d’incorporer d’autres cultures », nous explique Diesel. Dans le septième volet, l’équipe accueille le Thaïlandais Tony Jaa pour son premier film hors d’Asie. « Ce multiculturalisme a toujours été très important pour moi, continue Diesel. Quand vous venez voir FAST & FURIOUS, vous êtes tranquille, vous savez qu’il y aura forcément un personnage auquel vous pourrez vous identifier. » Le rôle sociétal de FAST & FURIOUS ne serait donc pas à prendre à la légère, selon Diesel : « Le plus beau compliment qu’on m’ait fait sur la saga FAST ? Qu’elle était la force la plus progressiste d’Hollywood. Ça représente tout pour moi. J’ai le sentiment d’avoir vraiment accompli quelque chose. Quelque chose qui transcende le cinéma. » Et si elle était là, la raison pour laquelle FAST continue de vaincre l’adversité, de contredire toutes les prétendues règles de l’industrie ?

FAST & FURIOUS 7
Sortie le 1er avril
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