GOOD KILL : chronique

22-04-2015 - 09:50 - Par

Andrew Niccol revient enfin en forme et signe un film assez fort sur les questionnements existentiels du héros militaire.

Las Vegas, dans le désert du Nevada. Sur une base militaire lambda, s’alignent des containers anonymes. À l’intérieur, des soldats font la guerre à l’Afghanistan en dirigeant des drones. Parmi eux figure Tom Egan (Ethan Hawke), pilote de chasse qui dépérit de ne plus pouvoir voler et dont la vie de couple commence à battre de l’aile. Il n’est guère étonnant de voir Andrew Niccol s’attaquer au phénomène des drones et de la guerre à distance, lui dont le cinéma, de GATTACA à TIME OUT en passant par SIMONE, est hanté par la lutte de pouvoir entre le physique et l’esprit, par la dématérialisation du corps au profit d’un concept contredisant son fonctionnement organique naturel. Alors qu’après TIME OUT et LES ÂMES VAGABONDES, on désespérait de retrouver un jour le Niccol incisif de LORD OF WAR, on assiste avec GOOD KILL à un retour en forme indéniable. Porté par la photographie cristalline et surexposée de Amir Mokri (TRANSFORMERS 3 et 4), GOOD KILL bâtit un monde visuellement aseptisé, pesant car dénué de vie, trompeur dans son chatoiement, lentement révélateur des mensonges que se répète une Amérique prête à tout pour protéger ses fameux « intérêts supérieurs ». De cet univers délétère émergent quelques saillies sarcastiques étonnantes et décalées – »Alors, cette guerre contre le terrorisme? », demande un flic à Egan. « Comme la vôtre contre la drogue », lui répond-il. Surtout, à l’instar de Kathryn Bigelow dans DÉMINEURS ou, plus récemment, de Clint Eastwood dans AMERICAN SNIPER (avec lequel il partage la structure alternée scènes de guerre / scènes de vie de couple), Niccol sonde la psyché troublée du soldat shooté à l’adrénaline du combat, incapable de revenir à la vie civile. Grâce à un Ethan Hawke poisseux de tristesse et de colère refoulée, GOOD KILL explore la figure du « héros » américain, la confronte à ses responsabilités et interroge son statut contemporain. La lâcheté, la peur, les fausses justifications, le fameux concept de bien commun, le bellicisme absurde de jeunes loups n’ayant jamais foulé un champ de bataille, Niccol décortique son sujet avec soin, avec patience, jusqu’à en devenir parfois un poil scolaire – de nombreux dialogues du personnage campé par Bruce Greenwood apparaissent par trop explicatifs. Mais la volonté du réalisateur de ne laisser aucun doute sur sa pensée donne à GOOD KILL une rigueur bienvenue, une droiture assez noble. Une manière pour Niccol, si ce n’est d’opposer avec manichéisme Bien et Mal, de redonner au moins des couleurs à des principes moraux simples et évidents, pourtant trop souvent foulés aux pieds.

D’Andrew Niccol. Avec Ethan Hawke, January Jones, Bruce Greenwood. États-Unis. 1h35. Sortie le 22 avril

 

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