LES SECRETS DES AUTRES : chronique

26-08-2015 - 14:20 - Par

LES SECRETS DES AUTRES : chronique

Portrait éclaté d’une famille pulvérisée par le deuil, LES SECRETS DES AUTRES bouleverse, inquiète, étonne, fascine. Un grand film !

Secrets-PosterC’est peut-être la vraie révélation de ce dernier Festival de Cannes. Sélectionné à l’ACID, LES SECRETS DES AUTRES a littéralement renversé tous les curieux venus jeter un œil au deuxième film de Patrick Wang. Car, pour être honnête, il ne s’agit pas tant d’une révélation que d’une confirmation. Avec IN THE FAMILY, son premier film qui étendait sur presque trois heures le combat d’un homme pour obtenir la garde de l’enfant de son compagnon décédé, Wang redonnait au mélodrame contemporain une douceur intimiste, une puissance politique et émotionnelle assez rare. Son nouvel opus réussit à la fois à confirmer tout le bien qu’on pense de lui tout en bouleversant la donne. LES SECRETS DES AUTRES fonctionne autant à l’économie qu’IN THE FAMILY s’étirait dans la longueur. Si les deux films réhabilitent avec force le psychodrame familial, ils le font chacun dans une direction opposée. À la douceur quotidienne d’IN THE FAMILY répond l’étrangeté, la violence sourde des SECRETS DES AUTRES. Difficile alors de résumer un film qui ne prend pour sujet que la douleur invisible, la peine que l’on a enfouie sous le quotidien. Wang fait volontairement un film fauché, un film morcelé dont il est longtemps difficile de comprendre les enjeux. Au centre de cette famille, une pièce manquante. De ce vide initial et terrible qui ouvre le film dans un plan stupéfiant, compris à rebours, Wang tire un étrange film douloureux. Affaiblis, assaillis, les personnages des SECRETS DES AUTRES essaient de continuer à vivre. Par de petits effets de montage, des décadrages, des coupes soudaines ou même des surimpressions surprenantes, Wang réussit à nous montrer qu’ils ne sont pas vraiment là, que quelque chose les habite. La tristesse règne. Car, à l’instar de la traduction française hasardeuse du titre original, il n’y a pas de secrets dans ce film mais une incommensurable peine (Le titre original devant être « La peine des autres »). Par son inventivité et sa maîtrise de la caméra, Wang réussit à rendre compte de la manière dont le deuil, le chagrin, peuvent vous rendre étranger au monde. Le quotidien devient une bataille permanente et l’inquiétude sourde qui traverse ce film sobre et fascinant en est la meilleure traduction. Jamais son regard ne se fait condescendant ou même simple observateur. Wang filme de l’intérieur la diffraction de cette famille en petits morceaux de solitudes. Évident film miroir pour tout spectateur confronté au deuil, LES SECRETS DES AUTRES a la grâce de rester jusque dans son dernier plan, sublime, un film mystérieux. Parce que pour Wang, la guérison est aussi étrange que la blessure.

De Patrick Wang. Avec Wendy Moniz, Trevor St John, Oona Laurence. États-Unis. 1h43. Sortie le 26 août

4Etoiles

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.