Cannes 2016 : MA LOUTE / Critique

13-05-2016 - 11:21 - Par

Cannes 2016 : MA LOUTE

De Bruno Dumont. Sélection officielle, En Compétition.

Synopsis (officiel) : Eté 1910, Baie de la Slack dans le Nord de la France. De mystérieuses disparitions mettent en émoi la région. L’improbable inspecteur Machin et son sagace Malfoy (mal)mènent l’enquête. Ils se retrouvent bien malgré eux, au coeur d’une étrange et dévorante histoire d’amour entre Ma Loute, fils ainé d’une famille de pêcheurs aux moeurs bien particulières et Billie de la famille Van Peteghem, riches bourgeois lillois décadents.

Cela sonnera sans doute cruel et injuste, voire légèrement péremptoire à dire, mais certains cinéastes ne devraient pas sortir du cadre qui a fait leur gloire. Dans le cas de Bruno Dumont, faire avec MA LOUTE son potentiel ‘grand film populaire’ avec en partie un casting de stars – Fabrice Luchini, Valeria Bruni Tedeschi et Juliette Binoche, qu’il avait déjà dirigée dans CAMILLE CLAUDEL 1915 – semble comme un faux pas presque impardonnable. Certes, MA LOUTE est souvent splendide à regarder, avec ses couleurs désaturées, son travail sur les dominances de bleu et de vert, ses cadres précis sur une baie venteuse du Nord. Mais au-delà, que propose le cinéaste qu’il n’a pas déjà fait en mieux, auparavant ? Dans son étude du Mal à l’état pur, MA LOUTE n’atteint jamais la profondeur ou l’étrangeté morbide du génial HORS SATAN. Dans l’humour burlesque, il copie la formule gagnante de P’TIT QUINQUIN, en une sorte de farce d’auto citation tournant en rond. Avec MA LOUTE, Bruno Dumont semble livrer une version grotesque – aux sens à la fois littéral et circacien du terme – de son cinéma. Si son travail était parfois jugé avec dureté par certains, qui le jugeaient condescendant – si ce n’est pire – à l’égard des ‘petites gens’, il subsistait toujours une dose visible de tendresse du cinéaste pour ses personnages. Derrière la violence, la comédie ou le drame résidaient toujours la patte d’un Dumont impliqué émotionnellement. MA LOUTE est à mille lieues : le réalisateur apparaît extérieur, presque au-dessus de son film et de ses personnages. Il les maltraite, voire les juge moralement, comme un démiurge capricieux, au point que le spectateur, privé de tout lien possible d’empathie ou de sympathie se demande : où sont les enjeux ? Que souhaite nous raconter Bruno Dumont ? L’enquête ? Elle est désamorcée très rapidement. La lutte des classes ? Son propos se limite à un renvoi de chaque camp dans son coin – les prolétaires et les bourgeois étant tous des monstres à leur manière. Rien de bien fondamental qui n’aurait pas déjà été abordé avec plus de densité par Dumont ou d’autres – par la comédie italienne, notamment. Mais le pire n’est pas tant dans cette absence d’incarnation du récit ou dans cette sensation de bégaiement d’une formule. Le pire étant simplement que MA LOUTE est une comédie profondément ratée. Quoi de plus insupportable et vain que de voir des acteurs vedettes jouer à essayer d’être drôles ? Valeria Bruni Tedeschi tombe au sol, Juliette Binoche vocifère avec l’accent (‘She burlesques !’, parodierait Valérie Lemercier) et Fabrice Lucchini fait l’imitation en mode débile d’un Aldo Maccione période L’AVENTURE C’EST L’AVENTURE. Dire que tout cela crée une gêne absolument contre productive ne ferait qu’effleurer l’ampleur du ratage.

De Bruno Dumont. Avec Fabrice Luchini, Juliette Binoche, Valeria Bruni Tedeschi. France. 2h02. Sortie le 13 mai

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.