PREMIER CONTACT : chronique

06-12-2016 - 18:02 - Par

PREMIER CONTACT : chronique

Portrait d’une femme à travers celui de la condition humaine, PREMIER CONTACT condense tout le cinéma de Denis Villeneuve.

arrival-posterDans une scène de PREMIER CONTACT, la linguiste Louise Banks (Amy Adams), raconte une anecdote au colonel Weber (Forest Whitaker). Elle a beau être totalement inventée, « ça reste une bonne histoire », confie-t-elle ensuite à son collègue mathématicien (Jeremy Renner). La beauté du faux : en une scène anodine, Denis Villeneuve résume ce qui constitue la puissance du cinéma. PREMIER CONTACT prend tout son sens d’expérience émotionnelle quand on intègre son caractère méta, son regard sur l’artificialité de l’art et le pouvoir d’évocation des images. Engagée par l’armée pour comprendre les desseins d’extraterrestres subitement débarqués sur Terre, Louise entre en contact avec ses interlocuteurs derrière une vitre/écran digne d’une image en Cinemascope. En insufflant le symbole du cinéma à sa matrice narrative, PREMIER CONTACT dialogue avec son spectateur : il exige de lui qu’il suspende son incrédulité, qu’il se soumette à la beauté du faux. Peu importe, alors, que le film fasse des raccourcis hasardeux sur la manière dont Louise décode le langage alien ou use d’archétypes catastrophes sur la manière dont les Humains vivent ce ‘premier contact’. Car ce qui intéresse Villeneuve n’est pas vraiment là. Au premier abord, le film déroule un propos juste sur le langage comme vecteur de lien et d’unité, sur la communication comme fenêtre vers la connaissance. Cependant, le cœur émotionnel de PREMIER CONTACT semble ailleurs et il va se dévoiler lentement, scène après scène. Dans ce processus, Villeneuve convoque tout son cinéma. Il prend son temps, joue avec le spectateur, avec sa perception du récit et des émotions, il met sa frustration à l’épreuve lors d’ellipses tranchantes, construit un film imprévisible bien qu’il évolue dans un genre rebattu. À l’instar de SICARIO, il façonne un anti spectacle captivant où le talent du compositeur Jóhann Jóhannsson et du chef opérateur Bradford Young pour donner corps à l’invisible a une importance capitale. Storyteller démiurge, Villeneuve ritualise certaines images, détourne le sens de certaines autres, superpose les sons pour en flouter les sources et bâtit ainsi une expérience de cinéma aussi limpide en surface que déstabilisante en profondeur. Une manière pour lui de conclure sur un choc émotionnel en forme de retour à l’essentiel : ici, la SF cache un drame quotidien et les aliens servent à parler de la condition humaine et à faire le portrait bouleversant d’une femme, d’une mère, de ses choix dans l’amour et la mort. Sans doute le plus poignant et le plus abouti de tous les films de Denis Villeneuve.

De Denis Villeneuve. Avec Amy Adams, Jeremy Renner, Forest Whitaker. États-Unis. 1h56. Sortie le 7 décembre

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