LIVE BY NIGHT : chronique

02-01-2017 - 11:11 - Par

LIVE BY NIGHT : chronique

Pour sa quatrième réalisation, Ben Affleck retrouve l’univers du romancier Dennis Lehane. Bien qu’handicapé par des raccourcis problématiques, LIVE BY NIGHT reste bourré d’envie et de qualités.

lbn-posterLorsque Ben Affleck s’était lancé dans la réalisation avec GONE BABY GONE alors que sa carrière d’acteur végétait entre blockbusters ratés (DAREDEVIL), navets retentissants (AMOURS TROUBLES) et comédies oubliables (FAMILLE À LOUER), pas grand-monde n’y croyait. Mais en adaptant Dennis Lehane et en filmant les quartiers populaires de sa ville natale, Boston, Affleck démontrait un talent certain pour décrire une Amérique en proie avec ses démons, ses fractures, ses contradictions. Près de dix ans plus tard, après avoir confirmé avec le nerveux et efficace THE TOWN puis le romanesque ARGO, Affleck retrouve l’univers de Dennis Lehane pour une adaptation du roman « Ils vivent la nuit ». Ou l’ascension dans le crime organisé, entre Boston, Cuba et Miami, de Joe Coughlin, néo malfrat issu d’une famille de policiers d’origine irlandaise.

Avec « Ils vivent la nuit », suite du chef-d’œuvre « Un pays à l’aube » (centré sur le grand frère de Joe, le flic Danny Coughlin), Lehane livrait un roman plus court, moins fouillé, à l’écriture plus simple et directe, plus clairement cinématographique. Pourtant, LIVE BY NIGHT démarre en boitant : Affleck a beau aligner de beaux moments de cinéma – un casse en plan séquence ou une poursuite en Ford T à la folle énergie – et une tripotée de jolis plans – notamment sur les visages de ses personnages –, il se heurte à une construction narrative et à un récit bancals. La voix off, dans laquelle on dénote l’intention nette de convoquer une tradition du polar d’entre deux guerres, ne fonctionne malheureusement pas toujours. Mal dosée, survenant à une fréquence erratique voire trop pratique, elle donne l’impression de remplir des blancs, de pallier ce que l’image et le scénario n’ont pas le temps de conter. Étrangement, d’une durée de 2h08, LIVE BY NIGHT semble trop court de vingt bonnes minutes. Ainsi, le film peine à présenter son univers, ses personnages et ses enjeux avec la limpidité et l’évidence qui faisaient le fort des précédents opus d’Affleck – et des romans de Lehane. Si bien que Affleck l’acteur, semble parfois perdu. Sa prestation, toute en monolithisme mélancolique, ne manque pas de profondeur – elle sert même le propos sur la lente déliquescence des espoirs d’une population délaissée par les autorités et le romantisme du rêve américain. Mais trop musclé – merci Batman –, bizarrement engoncé dans des costumes taille XXL, Affleck construit un personnage presque trop mastoc et effleure seulement son abrasive fragilité – peut-être que son frère Casey aurait été plus indiqué ?

Reste qu’au bout d’une heure, LIVE BY NIGHT prend finalement son envol – dès que Joe arrive à Miami, la narration devient plus prenante, plus ample, plus assurée. Refaisant, comme la plupart des grands films de gangster, un portrait d’hommes et femmes qui se saisissent par le crime de ce que la vie, le consensus et les classes dominantes leur ont refusé, LIVE BY NIGHT se dévoile énervé, politique et pertinent. Une Amérique aux racines contraires – l’immigration et le racisme, le crime et la loi, l’évangélisme et l’individualisme – où rien ni personne n’a vraiment jamais raison, n’est jamais mieux que le reste et où seules quelques valeurs morales inaliénables peuvent faire la différence. Un récit souvent touchant sur la mort de l’innocence et la fin des illusions – quelles qu’elles soient – qui se nourrit de personnages secondaires soigneusement croqués et interprétés – citons Brendan Gleeson, Chris Messina, Chris Cooper ou Elle Fanning ; Zoe Saldana et Sienna Miller étant elles, malheureusement moins bien loties. Là, dans ses élans contemporains parfaitement servis par la lumière résolument moderne de Robert Richardson – qui évite autant le piège de la patine sepia que celui de la sur stylisation factice trop souvent en cours dans le genre –, LIVE BY NIGHT trouve son équilibre et son mordant. Affleck n’atteint pas la densité de GONE BABY GONE, l’efficacité de THE TOWN ou l’évidence d’ARGO, mais LIVE BY NIGHT démontre suffisamment d’ambition et de qualités pour ne pas être balayé d’un revers de main.

De Ben Affleck. Avec Ben Affleck, Zoe Saldana, Elle Fanning, Chris Messina. Etats-Unis. 2h08. Sortie le 18 janvier

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