T2 – TRAINSPOTTING : chronique

28-02-2017 - 11:15 - Par

T2 - TRAINSPOTTING : chronique
TRAINSPOTTING avait redéfini le cinéma britannique et imprimé sa patte sur son époque. Vingt ans plus tard, sa suite est beaucoup plus intime – une affaire personnelle qui relie Boyle à son public et à son passé. Un grand film hanté, à la richesse insondable.

T2-PosterDanny Boyle a toujours eu la bougeotte et n’a jamais eu peur de se réinventer, d’explorer des genres et des univers nouveaux. Avec STEVE JOBS, qui donnait l’illusion d’être moins idiosyncrasique, il avait convaincu une frange de la critique et du public qui, d’ordinaire, n’adhère pas à son travail. On imagine son sourire narquois à l’idée d’enchaîner avec T2 – TRAINSPOTTING, suite tardive de son classique des 90’s. L’occasion de devenir un vieux beauf en ressuscitant une esthétique MTV qui n’a rien demandé ? Plutôt de faire un doigt d’honneur à sa « nouvelle » respectabilité et effectuer un travail d’introspection à la fois intime, esthétique et narratif. Les niveaux de lecture de cette suite se révèlent aussi nombreux que passionnants. Vingt ans après avoir arnaqué ses meilleurs potes et fui en Hollande, Renton retourne à Edimbourg. Sick Boy et Begbie lui feraient bien la peau. Spud l’aime toujours mais n’est pas dupe et regarde ses amis ressasser leurs bons moments et la traîtrise qui les a éloignés. « En premier lieu, il y a une opportunité. Puis vient la trahison », écrit Spud. Ce nœud dramatique – que l’on trouvait déjà dans STEVE JOBS – renvoie à la brouille qui a séparé Boyle et McGregor pendant plus de quinze ans. Le retour de Renton à Edimbourg figure celui de l’acteur chez le cinéaste et donne l’occasion à ce dernier d’explorer son passé, de revenir aux sources de son cinéma. Les références à TRAINSPOTTING (mais aussi à PETITS MEURTRES ENTRE AMIS) abondent sous forme de remakes de plans, de superpositions d’images du passé sur celles du présent, de reprises de chansons du premier film ou de renvois thématiques (notamment sur le déterminisme social). La mise en scène de Danny Boyle y apparaît plus libre que jamais et la photographie d’Anthony Dod Mantle, elle, convoque l’esthétique de TRANCE (reflets, transparences, néons et couleurs criardes) pour hybrider les Boyle des années 90 et 2010. Une profusion qui ne cache pas l’essentiel : Boyle fait de T2 un film hanté. Chaque séquence met en scène des fantômes littéraux ou métaphoriques, des absences douloureuses que même le temps ne sait effacer. Souvent hilarant mais par moments bouleversant comme ne l’était jamais TRAINSPOTTING, notamment grâce au parcours de Spud et à la performance déchirante d’Ewen Bremner, T2 donne vie à une nostalgie incarnée. Dans cette répétition du passé, la figure du storyteller qui anime le cinéma de Boyle depuis ses débuts apparaît littéralement, en une sorte de boucle parfaitement bouclée, dont se dégage une profonde tristesse – et une certaine rédemption. TRAINSPOTTING 2 est le film d’un cinéaste en pleine possession de ses moyens. Danny Boyle aurait pu opter pour un écrin visuel et sonore plus mature, plus sage. De bon goût. Mais non. Sûr de son style, il embrasse une esthétique 90’s, qu’il modernise et contamine. Une affirmation émouvante et exaltante de ce qu’il est, de ce qu’il a été, de ce que sont TRAINSPOTTING et T2. En célébrant ainsi son passé autant que son présent, en assumant tout, même ses erreurs, il permet à toute une génération de spectateurs d’en faire de même. T2 n’a sans doute rien de la révolution générationnelle qu’était son aîné. Mais ce n’est pas son but : T2 est avant tout un abysse méta au service d’un tsunami d’émotions contradictoires. « Choose life », disait ironiquement Renton en 1996. Vingt ans plus tard, sous le poids du temps et des désillusions, plus personne n’a de temps pour l’ironie ou la dérision.

De Danny Boyle. Avec Ewan McGregor, Jonny Lee Miller, Ewen Bremner, Robert Carlyle. Grande-Bretagne. 1h57. Sortie le 1er mars

 

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