120 BATTEMENTS PAR MINUTE : chronique

23-08-2017 - 09:04 - Par

120 BATTEMENTS PAR MINUTE : chronique

Retour sur les années Act Up, entre A.G., défilés et histoires d’amour. 120 BPM affronte son sujet avec courage.

Film de lutte, de bande, d’amour tragique, 120 BATTEMENTS PAR MINUTE n’a peur de rien. Ni du romanesque, ni du politique, ni même d’en faire du cinéma. Campillo radiographie l’engagement et la lutte avec une visée presque plus philosophique, viscérale que sociologique. La manière dont il fait circuler la parole dans de longues joutes oratoires, la façon dont il découpe et cadre les actions du groupuscule, capturent une énergie vivace, un mouvement permanent qui donne au film une énergie contagieuse. C’est peut-être là l’une de ses plus belles idées. Film de mort, 120 BPM est évidemment un grand film de vie où la colère et la tendresse se télescopent sans cesse. Plongé dans le quotidien de cette bande, de son organisation très structurée que Campillo décrit avec minutie, on perçoit le film comme un curieux compte à rebours impossible. L’urgence devient le seul moyen de survivre. Les paroles pressent, les corps s’agitent mais le temps résiste et répète jusqu’à la nausée les mêmes discussions, les mêmes engueulades. Campillo donne à cette lutte à la Sisyphe une grande dignité. Intelligemment, il emprunte le pas de Nathan (Arnaud Valois, formidable de justesse dans un rôle en retrait), jeune arrivé dans l’association, pour se laisser emporter par le mouvement mais pour aussi, par instants, en souligner les erreurs, les impasses et l’épuisement possible. En face, le personnage de Sean (Nahuel Perez Biscayart, impressionant), plus impétueux, construit l’équilibre parfait d’un film qui se détourne de l’hagiographie politique au profit d’une évocation plus juste et plus sensible de la fin de l’innocence amoureuse. La colère qui habite tous les personnages trahit une angoisse profonde, une tristesse à s’être habitué au désastre de l’amour qui tue. Naturellement alors, 120 BPM se mue en histoire d’amour mortifère. Un passage compliqué de « la théorie à la pratique », que Campillo négocie avec une grande intelligence. D’abord en pointillé, la romance devient petit à petit une lutte elle- même, une façon de conjurer la maladie par la tendresse et l’étreinte (la beauté sensuelle des scènes de sexe). Si Campillo insiste parfois un peu trop sur la décrépitude des corps, il réussit toujours à se sauver du misérabilisme par l’intelligence de sa mise en scène. Plus encore que dans LES REVENANTS et EASTERN BOYS, son mélange de réalisme social nerveux et d’onirisme inquiétant et sensoriel entraîne le film vers des sommets d’émotions brutes de cinéma. Jusqu’à l’apothéose finale, qui mêle dans une transe électrique la lutte, le sexe et la mort. Tout est là: le politique, l’humain et l’art. Bluffant.

De Robin Campillo. Avec Nahuel Perez Biscayart, Adèle Haenel, Arnaud Valois. France. 2h15. Sortie le 23 août

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