THE MEYEROWITZ STORIES : chronique
14-10-2017 - 10:13 -
Par Aurélien Allin
Deux frères et une soeur se débattent avec leur héritage familial. Le meilleur film de Noah Baumbach, férocement mélancolique.
D’aucuns pourraient reprocher à Noah Baumbach de creuser de manière répétitive son sillon de cinéma cultivé et élégamment mélancolique. Mais il serait paresseux de le limiter à un univers snob, pendant pop-hipster de Woody Allen. Avec THE MEYEROWITZ STORIES, l’ancien scénariste de Wes Anderson signe son meilleur film, un cocktail maîtrisé de la tristesse familiale des BERKMAN SE SÉPARENT, de l’ironie inquiète de GREENBERG et de l’énergie dévastatrice de FRANCES HA – ses trois opus les plus marquants jusqu’à présent –, la pop music en moins, le réalisateur ayant préféré commander un score au final très décevant, générique et invasif, à Randy Newman. En s’attardant sur une famille recomposée, tyrannisée depuis quarante ans par les états d’âme du patriarche – un sculpteur oublié par la postérité –, Baumbach parvient à une symbiose parfaite entre drame et comédie. Nourri par son regard quotidien, THE MEYEROWITZ STORIES atteint même une jolie universalité, avec des personnages profondément banals. La richesse et l’efficacité de la comédie, souvent hilarante, vient d’eux, tous victimes de leur milieu familial et/ou professionnel. À ce titre, le portrait du monde de l’art contemporain, machine à déception et à humiliation, se révèle tristement cruel, juste et nuancé. Surtout, Baumbach signe son script le plus rigoureux, fait d’ellipses judicieuses et d’un regard composite dont chaque point de vue éclaire les autres. À mesure que l’on connaît mieux Danny (Adam Sandler), les fêlures et colères de Matthew (Ben Stiller) ou Jean (la surprenante Elizabeth Marvel) se font plus claires, et réciproquement. Une structure en chapitres que met en valeur le montage très affirmé de Jennifer Lame (déjà aux commandes de MANCHESTER BY THE SEA, peut-être le montage le plus marquant de 2016), fait de juxtapositions rigolotes, de coupes brutales ou d’accumulations de courtes saynètes agissant comme des centrifugeuses narratives. Collé à ses acteurs qu’il capture avec amour dans de beaux gros plans, Baumbach maîtrise ici plus que jamais une ironie tendre et féroce, véritable vecteur d’humanisation. Dans ce jeu de massacre où la difficulté à trouver sa place entre attentes familiales et espoirs personnels paralyse, la prestation d’Adam Sandler, boule de nerfs clopinant littéralement pour s’en sortir, se révèle d’une profondeur très touchante. Ne serait-ce que pour ses regards tristes qui ne se permettent plus l’espoir et pour l’alchimie délicate qui le lie à la jeune Grace Van Patten (qui incarne sa fille), THE MEYEROWITZ STORIES mérite les honneurs. De Noah Baumbach. Avec Adam Sandler, Ben Stiller, Dustin Hoffman. États-Unis. 1h50. Le 13 octobre sur Netflix
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