LOGAN LUCKY : chronique

25-10-2017 - 09:33 - Par

LOGAN LUCKY : chronique

Deux familles, les Logan et les Bang, s’associent pour vider le coffre d’un circuit de NASCAR. Steven Soderbergh revient au cinéma pour un film de casse irrésistiblement fun et qui, pour ne rien gâcher, cache des trésors d’humanité.

Dans LOGAN LUCKY, un pilote de NASCAR, Dayton White (Sebastian Stan) doit effectuer un come-back sur les circuits quelques années après avoir pris sa retraite. « Il est difficile de revenir car les choses ont changé », analysent des commentateurs télé. La réplique ne passera pas inaperçue pour quiconque a suivi la carrière du réalisateur de LOGAN LUCKY. Il y a quatre ans, on avait laissé Steven Soderbergh sur le délicieux MA VIE AVEC LIBERACE, qu’il avait eu un mal fou à faire financer. Fatigué par des années de productivité stakhanoviste et ulcéré par une industrie asservissant toujours plus les points de vue forts, il avait décidé de raccrocher pour une durée indéterminée. Raté : la réalisation coule dans son sang. Moins d’un an après, on l’avait donc retrouvé sur la série THE KNICK – un pulp médical tout en cul, sang et sueur, déconstruction enragée du privilège de l’homme blanc, dont la mise en scène écrabouillait toute la concurrence. Que Soderbergh revienne aujourd’hui au cinéma n’étonnera personne tant sa vivacité, intacte, et son plaisir de créer, évident, transpiraient de chaque image de THE KNICK. Le voir commenter son propre retour dans le récit-même surprendra encore moins : faussement simple, LOGAN LUCKY multiplie les niveaux de lecture. La dimension méta pourrait n’être qu’une rigolote notule – un autre personnage, Joe Bang (Daniel Craig) effectue lui aussi un retour aux affaires. Mais elle prend une tournure plus significative quand on met en parallèle l’histoire de LOGAN LUCKY – des outsiders braquent un circuit de NASCAR, sport automobile aussi spécifique à l’Amérique que le baseball – et son mode de financement assurant à Soderbergh une liberté économique et créative totale, un affranchissement du système hollywoodien. Une prise de pouvoir du cinéaste sur son destin qui renvoie à celle des anti- héros de LOGAN LUCKY, galériens du quotidien, mineurs sans boulot, vétérans ignorés. Parfois décrit comme un « OCEANS’11 chez les rednecks », LOGAN LUCKY a l’efficacité de son aîné mais pas son swing, tant ses personnages sont rongés par une peur très palpable du lendemain. Soderbergh se joue des codes, en respecte certains, en subvertit d’autres, suit des balises très voyantes pour mieux surprendre. Calé sur un rythme particulier donnant la part belle à la caractérisation des personnages et à un humour décalé, LOGAN LUCKY aligne les répliques hilarantes et les situations gênantes pour éplucher les préjugés, déjouer les archétypes et parvenir au cœur de ses protagonistes. Grâce au plaisir immédiat suscité par le film, Soderbergh fait ainsi lentement infuser l’émotion. Posant sa caméra sur une Amérique au mieux oubliée au pire méprisée, dont il est lui-même issu, il offre un visage profondément humain à des populations souvent réduites à des entités manichéennes. Ce sentiment d’appartenance anime tout LOGAN LUCKY, jusqu’à une superbe déclaration d’amour en chanson d’une petite fille à son père (Channing Tatum, comme à son habitude, tout en générosité et dignité). Le cœur de LOGAN LUCKY est là, vibrant derrière les apparats du fun du film de casse, et Soderbergh l’affirme dans sa mise en scène, posée, loin des caméras virevoltantes de THE KNICK ou du bling des OCEAN’S. Rarement aura-t-il aussi peu usé de caméra portée, préférant les cadres fixes et savamment composés, les longues focales faisant surgir l’aura de ses personnages dans des décors désolés. À la fois film de son come-back et film d’un retour à la vie, LOGAN LUCKY définit à merveille (le cinéma de) Soderbergh : humble derrière la fanfaronnade, profond derrière le fun, mû par une grande sincérité.

De Steven Soderbergh. Avec Channing Tatum, Adam Driver, Daniel Craig, Riley Keough, Katie Holmes, Seth MacFarlane, Brian Gleeson, Jack Quaid. États-Unis. 1h58. Sortie le 25 octobre

4etoiles5

 

 

 

 

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