THE FLORIDA PROJECT : chronique

19-12-2017 - 12:12 - Par

THE FLORIDA PROJECT : chronique

Après TANGERINE, Sean Baker revient avec un film vivant et foisonnant qui a ravi la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes.

Révélé avec TANGERINE, odyssée transgenre ultra contemporaine filmée au téléphone portable, Sean Baker revient avec un film plus sage. En apparence, dirons-nous. Car THE FLORIDA PROJECT réaffirme haut et fort la singularité et la poésie brûlante, urgente et dérangeante de son auteur. Fasciné par l’Amérique trash, l’Amérique déclassée, celle qui erre sur les bords des autoroutes, Sean Baker aime les microcosmes déglingués. En posant sa caméra aux abords de Disney World en Floride, en bordure du temple de l’enfance et de la consommation, il nous embarque dans une odyssée enfantine dont l’énergie contagieuse n’efface jamais le propos social. Comme des explorateurs contemporains, Moonee (la très jeune et très énergique Brooklynn Prince) et ses copains transforment la désolation de ces baraquements décrépis, ces hôtels miteux, ces terrains vagues en friche, en un immense terrain de jeu, un parc d’attraction à bêtises. L’effet est alors étrange. Énergique, ludique, vraiment drôle, THE FLORIDA PROJECT n’efface jamais la misère, la dureté et la laideur de ce monde décati. Baker sature ainsi l’image de couleurs criardes comme la métaphore habile de ce monde faussement joyeux. Mais quelque chose résiste, quelque chose d’une tristesse infinie parcourt les lignes de fuite de ce cinéma politique. Comme dans TANGERINE, le swing de la parole a ici une importance énorme. Celui des adultes bien sûr, des personnages de mères célibataires, nourricières, vulgaires, aimantes et hystériques qui s’insultent, hurlent ou éclatent de rire dans un tonitruant vacarme. Mais aussi les enfants dont les cris sont eux beaucoup plus légers, joyeux, inventifs. THE FLORIDA PROJECT est quasiment un film sonore, un film de brouhaha permanent, immersif et épuisant. C’est toute la force et la limite du film. Virevoltant et épuisant, THE FLORIDA PROJECT, c’est AMERICAN HONEY façon DENIS LA MALICE. Du Bill Douglas pop et trash. Soit une union des contraires, une ambition grandiose traitée par l’infime et le ludique qui ne fonctionne qu’au charme. Casse- gueule dans son propos, THE FLORIDA PROJECT fonctionne par l’honnêteté du regard de Baker. Jamais condescendant, toujours à la bonne hauteur, il semble lui- même avoir trouvé sa place dans ce monde étrange. Un peu trop étiré, un peu trop répétitif, le film finit hélas par un tout petit peu s’épuiser dans son dernier tiers. Heureusement, une fin magique, magnifique, vient relever d’une touche de douceur terriblement émouvante cette chronique d’un monde fracassé que seule la naïveté de l’enfance préserve. Continuer à jouer, à s’amuser, pour éviter de pleurer.

De Sean Baker. Avec Willem Dafoe, Brooklynn Prince, Bria Vinaite. États-Unis. 1h52. Sortie le 20 décembre

4Etoiles

 

 

 

 

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