PHANTOM THREAD : chronique

14-02-2018 - 09:45 - Par

PHANTOM THREAD : chronique

Peut-on préférer le PTA d’antan qui se prenait pour Scorsese et Altman ? À la vue de PHANTOM THREAD, très longue romance perverse, on peut.

Qu’est-il arrivé à Paul Thomas Anderson ? Ses films débordaient naguère de partout, comme incapables de réfréner leur envie de cinéma. Il filmait de grandiloquents opéras humains, où Tom Cruise parlait de « respecter la bite », où Mark Wahlberg en affichait une très longue, où Daniel Day- Lewis hurlait son envie de « boire ton milk-shake ». Il enfourchait sa bravoure sentimentale et bouleversait en faisant chanter du Aimee Mann à ses acteurs. Certes, avec ses caméras mobiles et ses distributions chorales, d’aucuns l’accusaient de singer Scorsese et Altman. Mais que ce cinéma vivait, respirait, vibrait ! Avec THE MASTER, INHERENT VICE et désormais PHANTOM THREAD, Paul Thomas Anderson semble de film en film toujours plus au bord de l’apoplexie, comme si d’un cinéma généreux, il était passé à un monde en circuit fermé. PHANTOM THREAD, à cet égard, est à l’image de son protagoniste, Reynolds Woodcock, grand couturier sec et guindé du tout Londres des années 1950, engoncé dans ses rituels et ses certitudes, qui tombe amoureux d’une jeune serveuse, Alma (Vicky Krieps). Contrairement à ses précédentes conquêtes, elle ne va pas se laisser terroriser par son compagnon. Paul Thomas Anderson qui, pour la première fois, s’est passé de chef opérateur et assure la photographie avec son équipe technique, apparaît incapable de pleinement mettre en scène ses intentions. Bien sûr, on sent la comédie grinçante sous les non-dits et le ridicule agaçant qu’infuse Daniel Day-Lewis à chacune de ses répliques. Oui, on pense irrémédiablement à toute une tradition du mélodrame romantique puis au thriller sexué cher à Hitchcock. De même, la perversité qui unit Reynolds et Alma ne fait aucun doute, tant ces deux-là fusionnent visiblement dans l’hubris. Pourtant, de la lumière laiteuse et grisâtre aux cadres corsetés que même quelques mouvements virtuoses ne parviennent à secouer, en passant par une musique incessante déroulée comme pour combler les silences, tout concorde pour déployer PHANTOM THREAD sur une seule et même note monotone. Les émotions sont verbalisées mais guère partagées, l’étrangeté et la perversité affleurent mais à distance, filmées du bout des lèvres, sans passion. PHANTOM THREAD voudrait être chic mais son incapacité à incarner avec sincérité ses enjeux le mène tout droit vers la vulgarité et l’ennui. Pire : complaisant, il se termine là où il aurait sans doute dû commencer. « Une maison qui n’évolue pas est comme morte », dit-on dans le film. Mais à trop évoluer, le cinéma de Paul Thomas Anderson ne semble pas bien plus vivant.

De Paul Thomas Anderson. Avec Daniel Day-Lewis, Vicky Krieps, Lesley Manville. États-Unis. 2h10. Sortie le 14 février

2Etoiles

 

 

 

 

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