THE THIRD MURDER : chronique

10-04-2018 - 14:01 - Par

THE THIRD MURDER : chronique

S’il bouscule son esthétique, Kore-eda parvient à insuffler ses thèmes de prédilection à ce drame judiciaire.

De nuit, au bord de l’eau. Un homme en assassine brutalement un autre. Puis il brûle le corps. Sans information préalable sur l’identité du réalisateur de THE THIRD MURDER, difficile de la deviner au vu de sa première scène. Il s’agit pourtant bien de Hirokazu Kore-eda, connu pour ses bouleversantes chroniques familiales. Ne pas croire que le cinéaste cède aux sirènes du film de commande : un élément de la séquence d’ouverture rappelle que THE THIRD MURDER n’aura rien d’un thriller impersonnel. Par la musique – un piano doux puis une envolée de cordes – s’opère un décalage. Où se situe la réalité de ce que l’on voit ? Dans la violence des gestes ou dans la douceur des notes ? Dans les deux ? Nulle part ? À peine sorti de prison où il vient de passer 30 ans pour meurtre, Misumi (le génial Koji Yakusho) s’accuse du meurtre du patron de l’usine où il travaille. L’avocat Shigemori (Masaharu Fukuyama, aussi noble que dans TEL PÈRE, TEL FILS), dont le père juge avait condamné Misumi trois décennies auparavant, est chargé de le défendre. Mais il vient vite à douter de la culpabilité de son client… Comme de nombreux films de Kore-eda, THE THIRD MURDER invite le spectateur à une recherche de vérité. Intime et existentielle dans ses précédents films, cette quête se fait ici plus tangible mais, en se parant de davantage d’intrigue, elle ne perd ni en force ni en profondeur. Car derrière le whodunnit se cachent les mécanismes habituels du cinéma de Kore- eda. On ne s’étonne donc pas de voir le réalisateur se désintéresser des rouages du procedural – le procès se révèle volontairement d’une grande stérilité – pour privilégier l’humain et de longs face- à-face au parloir entre ses deux protagonistes. Des scènes fascinantes, mises en scène avec une précision folle (Ces reflets ! Cette paroi qui s’efface en un mouvement de caméra !) et hantées par le spectre de la conclusion d’ENTRE LE CIEL ET L’ENFER d’Akira Kurosawa. Usant avec brio du Scope (une première dans sa filmographie) pour conter les rapports entre ses personnages, Kore-eda insuffle de l’ampleur à la moindre réplique, au moindre regard, alors que peu à peu, Shigemori se trouve ébranlé par l’affaire. Kore-eda emprunte des chemins de traverse payants, explore avec sa finesse habituelle les relations complexes entre les générations et parvient, par le prisme familial et individuel, à questionner plus globalement le rapport de toute une société à la violence et à la mort. Un faux film mineur, dont la mélancolie s’imprime longtemps en tête, à l’instar du tout dernier plan, superbe croisée des chemins.

De Hirokazu Kore-eda. Avec Masaharu Fukuyama, Koji Yakusho, Suzu Hirose. Japon. 2h05. Sortie le 11 avril

4Etoiles

 

 

 

 

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