Cannes 2018 : L’HOMME QUI TUA DON QUICHOTTE / Critique

18-05-2018 - 15:46 - Par

Cannes 2018 : L’HOMME QUI TUA DON QUICHOTTE

De Terry Gilliam. Sélection officielle, Hors compétition, Clôture.

 

Synopsis officiel : Toby, un jeune réalisateur de pub cynique et désabusé, se retrouve pris au piège des folles illusions d’un vieux cordonnier espagnol convaincu d’être Don Quichotte. Embarqué dans une folle aventure de plus en plus surréaliste, Toby se retrouve confronté aux conséquences tragiques d’un film qu’il a réalisé au temps de sa jeunesse idéaliste: ce film d’étudiant adapté de Cervantès a changé pour toujours les rêves et les espoirs de tout un petit village espagnol. Toby saura-t-il se racheter et retrouver un peu d’humanité ? Don Quichotte survivra-t-il à sa folie ? Ou l’amour triomphera-t-il de tout ?

 

« Soit tu es naïf, soit tu es complètement fou », dit-on à Toby (Adam Driver) dans L’HOMME QUI TUA DON QUICHOTTE. Le caractère méta de cette réplique n’échappera sans doute à aucun cinéphile qui, depuis 25 ans, suit les maints épisodes – ils sont nombreux et certains récents, comme les poursuites en justice de l’ancien producteur Paolo Branco – qui ont émaillé la longue, chaotique, laborieuse et cauchemardesque production de ce projet visiblement maudit. Devant le résultat final, on ne peut que reconnaître l’abnégation, la pugnacité et la sincérité de Terry Gilliam. Sans ces qualités, comment quiconque pourrait mener à bien un tel projet ? Qui, à part un bonhomme naïf, fou et passionné, peut-il bien confectionner un OFNI pareil ? Une réécriture moderne et rabelaisienne du classique de Cervantès, toute dévouée à l’exaltation du rêve, du spectacle, du cinéma ? Le plus grand souci de L’HOMME QUI TUA DON QUICHOTTE ne peut pas lui être réellement imputé : 25 ans de tuiles ont fini par éreinter le public, user les attentes autant qu’ils les ont gonflées. Résultat ? L’HOMME QUI TUA DON QUICHOTTE, évidemment, ne peut jamais rivaliser avec le film rêvé par le spectateur. Car en dépit de l’incroyable – et l’on pèse nos mots – prestation d’Adam Driver qui, de toute sa conviction, porte le film de bout en bout, L’HOMME QUI TUA DON QUICHOTTE trébuche trop souvent pour convaincre. Bien sûr que cette ode à l’imaginaire émeut par moments, surtout dans les pognes d’un cinéaste farouchement indépendant et iconoclaste comme Gilliam – et la beauté symbolique de ses cadres dans le cadre, dans lesquels la réalité se transforme littéralement en cinéma, y sont pour beaucoup. Mais le récit danse trop souvent sur un fil ténu, accumulant les personnages gênants, les gags lourdauds – des chutes à répétition dont on peine à voir l’intérêt comique ou narratif –, ou les situations crispantes – les références au terrorisme islamiste sont à oublier très vite. Foisonnant, trop foisonnant, L’HOMME QUI TUA DON QUICHOTTE confond mystère et nébulosité comme lorsqu’une séquence de rêve, mal amenée, passe pour un voyage dans le temps incongru. Les efforts déployés se muent rapidement en quasi hystérie permanente empêchant toute ambiance de s’installer. Jusqu’à ce que, au bout de près de 90 minutes, Terry Gilliam atteigne enfin la quintessence de son film : une longue séquence dans un château espagnol où a élu domicile une sorte de cirque médiéval. Là, alors que les enjeux arrivent à leur résolution, L’HOMME QUI TUA DON QUICHOTTE séduit enfin. Jusqu’à cette très jolie fin, aussi bien pensée qu’exécutée. Il est sans doute trop tard et le film aura déjà évidemment épuisé les moins patients. À la manière du héros de Cervantès, L’HOMME QUI TUA DON QUICHOTTE se bat contre des moulins et ne pouvait pas triompher. Reste que l’on ne peut accueillir cette proposition de cinéma qu’avec bienveillance. Ne serait-ce, encore une fois, que pour le plaisir de voir Adam Driver prouver quel incroyable acteur tout-terrain il est devenu.

De Terry Gilliam. Avec Adam Driver, Jonathan Pryce, Joana Ribeiro, Olga Kurylenko. France/Espagne/Royaume-Uni. 2h12. Sortie le 19 mai

 

 

 

 

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