HÉRÉDITÉ : chronique

12-06-2018 - 17:11 - Par

HÉRÉDITÉ : chronique

En dépit de quelques scories en milieu de récit, ce premier long mêlant horreur et tragédie familiale affiche une assurance impressionnante.

 

Au décès de sa mère, Annie en découvre les terribles secrets. Rapidement, les drames se succèdent puis entament l’équilibre de son foyer… Une cabane, à travers la vitre d’une fenêtre, comme dans un cadre photo. Panoramique sur une pièce remplie de maquettes. La caméra s’approche de l’une d’elles, figurant la chambre d’un ado. Peu à peu, maquette et réalité se confondent. L’ouverture de HÉRÉDITÉ prend son temps pour instituer l’élément central de sa mécanique : par un savant travail sur les focales et les jeux d’échelles, le réalisateur Ari Aster – dont il s’agit du premier long – hybride le réel et son simulacre. Ce travail sur l’artifice hante tout HÉRÉDITÉ, de sa musique immédiatement très signifiante, à ce parallèle évident entre Aster lui-même et sa protagoniste, Annie (Toni Collette, dont le talent pour le jeu outré fait merveille), artiste qui recrée sa vie en dioramas toujours plus précis. L’attrait premier du film est là, dans le soin apporté par Aster à sa mise en scène, qu’il contrôle comme Annie manipule ses figurines désincarnées. Métaphore flippante sur le pouvoir qu’a le jeune cinéaste sur son sujet et ses personnages, sa mise en scène raide comme un coup de trique joue habilement de l’étrangeté – parfois jusqu’à la malice – et du mélange des tons. Devant HÉRÉDITÉ, on pouffe, on se recroqueville, on grince des dents : comme dans ses courts-métrages, Aster met sur pied des mécaniques dont on saisit aisément qu’elles n’ont pas de limites. Ruptures de ton, coupes brutales, revirements narratifs, images choc : il impose une main de fer sur son film et son spectateur. On notera la manière dont il force à regarder et déceler ce qui se cache dans le noir ou comment il retarde la révélation des contre-champs. Une maîtrise d’une telle rigueur, d’une telle raideur, qu’elle ne permet aucun relâchement. Or, au beau milieu du film, alors que HÉRÉDITÉ se mue en enquête généalogique, le récit toussote, s’étire inutilement, hésite à embrasser pleinement et visiblement son pan fantastique et son désir d’effrayer. Le public prend de l’avance. Là, tout à coup, le film perd sa puissance évocatrice, son étrangeté, et ne restent que les performances de Collette et de l’excellent Alex Wolff pour maintenir l’intérêt. Un ventre mou qui ne dure pas : lorsque le deuxième acte atteint sa vitesse de croisière, HÉRÉDITÉ redevient dérangeant, il vibre à nouveau de ses décalages. Un rollercoaster où les influences d’Aster (Polanski et Roeg, principalement) se font certes trop visibles mais où ses images font preuve d’une véritable force dramatique.

D’Ari Aster. Avec Toni Collette, Alex Wolff, Gabriel Byrne. États-Unis. 2h06. Sortie le 13 juin

4Etoiles

 

 

 

 

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