AQUAMAN : chronique

17-12-2018 - 00:02 - Par

AQUAMAN : chronique

On attendait que James Wan insuffle à la nouvelle production DC un semblant de personnalité et de rigueur. Raté. AQUAMAN s’étouffe dans sa (fausse) générosité.

 

Parfois, il suffit d’une séquence pour encapsuler un film, son identité profonde, ses qualités et ses défauts. Dans AQUAMAN, deux courts instants séparés de quelques dizaines de secondes, permettent de (faire) comprendre l’échec de l’entreprise qu’est ce nouveau projet inspiré des comics DC. Sur un frêle navire, Arthur Curry (Jason Momoa) et Mera (Amber Heard) sont attaqués par un peuple sous-marin agressif et animal, autrefois humain et civilisé : les créatures de la Tranchée. En surnombre, elles forcent les deux héros à sauter par-dessus bord et à plonger dans les profondeurs de l’océan, avec pour seul repoussoir des fusées rouges. Quelques dizaines de secondes après ce plan sublime, cette peinture numérique parfaitement composée et redoutablement évocatrice, suit un autre où Arthur et Mera pénètrent dans une tempête sous-marine où les images de synthèse, approximatives, et l’incrustation, baveuse, constituent un maelstrom numérique indigeste, rebutant, digne des pires productions des années 90. Définir AQUAMAN en deux plans n’a rien de réducteur tant le fossé qui les sépare exprime parfaitement la schizophrénie du projet, tiraillé entre les envies du réalisateur James Wan et les prérogatives industrielles d’un blockbuster obligé de plaire au monde entier.

Reprenant la figure du « héros réticent » qui a fait ses preuves dans IRON MAN – puis qui a été déclinée ad nauseam par Marvel depuis –, AQUAMAN met en scène Arthur Curry qui, depuis ses exploits avec la Justice League, est devenu une sorte de légende idolâtrée sur les réseaux sociaux et questionnée par les médias. Il est contacté par Mera, princesse d’Atlantide, qui lui adjoint de rejoindre son peuple et de réclamer le trône dont il est l’héritier. Orm (Patrick Wilson), le nouveau souverain, entend unifier les peuples sous-marins pour déclarer la guerre à la surface et à ses excès pollueurs… Mais Arthur, mi-humain mi-atlantien, refuse de s’opposer au nouveau roi et de diriger un peuple qui a provoqué la mort de sa mère.

Tout, dans AQUAMAN, est affaire de déséquilibre. On passe d’un moment évocateur (un enfant qui contrôle un requin derrière la vitre d’un aquarium) à de grands instants de gêne (Nicole Kidman en combi blanche qui combat des atlantiens comme si MATRIX n’avait jamais existé). La bande-son va de Sigur Rós à une reprise de fête foraine du ‘Africa’ de Toto par Pitbull. On saute du majestueux au hideux. Du noble au trivial. On balance des riffs de guitare électrique après des vannes. AQUAMAN, à force d’aller dans tous les sens, ne va plus nulle part. Mais où est donc James Wan ? Lui dont la mise en scène a toujours su ménager élégante précision et envies opératiques, voire gothiques, ne parvient jamais à maîtriser ses élans volontaires de mauvais goût. Festival de perruques et de maquillages déraisonnables, de costumes trop colorés, d’idées dingues – des armées à dos de requins blancs ! Une bestiole géante doublée par Julie Andrews ! Un score qui hybride Giorgio Moroder et John Williams ! – AQUAMAN, ersatz de JUPITER ASCENDING qui a dérapé, ne maîtrise jamais son ostentation. Car, contrairement aux films des sœurs Wachowski, AQUAMAN n’est tout simplement pas assez sentimental, sincèrement sentimental, pour rendre ses excès et sa grandiloquence touchants et crédibles.

Gangréné par une obligation d’efficacité, AQUAMAN tente maladroitement de cocher toutes les cases, sans jamais en soigner une seule. Le spectacle ? Alourdi par les effets de manche – l’imagerie, parfois puissante, cache le manque de pure mise en scène –, par le déferlement de son – pas une seule seconde de silence dans un film de 2h23 –, par un souci de gigantisme numérique épuisant – la bataille finale tient plus de l’animation que du live action. L’écriture ? Les personnages répètent constamment les raisons de leurs actes et de leurs choix. La screwball entre Arthur et Mera ? Plombée par le cruel manque de subtilité du jeu de Jason Momoa. Le propos ? Le postulat écolo n’a d’autre raison d’exister que de rendre contemporain un film n’ayant rien à dire sur le monde – ce qui, en soi, n’a rien d’un défaut.

Les films qui chutent en essayant des choses seront toujours plus appréciables que ceux qui suivent une route sage et toute tracée. Mais jamais ressent-on devant AQUAMAN qu’il tente de se libérer des standards du blockbuster de super-héros. Ses folles envies de divertissement nourri aux couleurs criardes, de cartoon pop boosté au cinéma d’aventure d’antan ne servent en réalité aucune proposition forte et inédite. Si quelques images restent, si des instants amusent ou divertissent, si certaines vannes tombent juste, AQUAMAN manque tout simplement de personnalité, resservant les mêmes codes et recettes que des films plus sages ou plus rigoureux que lui. Ses atours un peu fous et iconoclastes ne sont qu’un vernis superficiel dissimulant à peine qu’il ne cherche, en fait, à s’aliéner personne.

De James Wan. Avec Jason Momoa, Amber Heard, Nicole Kidman, Patrick Wilson, Temuera Morrison, Willem Dafoe, Yahya Abdul-Mateen II, Dolph Lundgren. Etats-Unis. 2h23. Sortie le 19 décembre

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