WILDLIFE : chronique

19-12-2018 - 08:46 - Par

WILDLIFE : chronique

Pour son passage derrière la caméra, Paul Dano réalise un film à l’image de l’acteur qu’il a toujours été : délicat et élégant.

 

Avec WILDLIFE, Paul Dano entame sa carrière de réalisateur comme il mène depuis près de vingt ans celle d’acteur : discrètement. C’est en partie pour ça qu’on l’aime, Paul Dano : bien qu’il ait tourné pour de grands cinéastes (Paul Thomas Anderson, Bong Joon-ho, Ang Lee, Steve McQueen…) et tenu tête à des superstars (Tom Cruise, Daniel Day-Lewis…), il a toujours conservé cette subtilité et cette humilité qui font de lui un comédien au charisme singulier, captivant à regarder. Ces qualités se retrouvent dans WILDLIFE, adaptation du roman « Une saison ardente » de Richard Ford, récit d’un ménage qui se délite, d’une épouse qui va voir ailleurs et d’un mari qui perd confiance, sous les yeux de leur fils Joe, ado gentil et volontaire. Ce Joe, Paul Dano l’aurait sans doute campé il y a quinze ans. Le récit et la mise en scène se font donc complices de ce garçon, double du cinéaste et porte d’entrée émotionnelle sur l’histoire. Délicat, WILDLIFE n’a pas les défauts habituels des premiers films – leurs images d’Épinal, leur propension à en faire trop pour être sûr de se faire comprendre, leur élan un peu vain d’y aller à l’épate. Paul Dano cinéaste est au diapason du Paul Dano acteur, celui qui, en un geste quotidien et effacé, en dit plus qu’en mille mots élaborés. La caméra s’attarde quand il le faut, est aussi discrète quand elle s’appesantit dans l’immobilisme que lorsqu’elle se libère dans le mouvement, le montage est à l’économie mais en dit toujours long sur les tensions et les non-dits. La beauté limpide de l’écriture – assurée par Dano et la très talentueuse Zoe Kazan – rappelle un cinéma un peu perdu, dans lequel un personnage n’a jamais besoin de se définir en protagoniste ou en antagoniste pour exister. Où un récit peut éviter le pathos et les confrontations fonctionnelles. Ici, chacun a ses fêlures, ses raisons, ses ambivalences. Et ça n’empêche pas l’empathie et encore moins l’amour. La modestie de WILDLIFE n’empêche pas non plus les idées bien exécutées – comme ces musiques diégétiques, moteurs narratifs et atmosphériques. Surtout, elle permet à un acteur solaire, Ed Oxenbould, de s’affirmer, de faire oublier les stars Jake Gyllenhaal et Carey Mulligan, de porter le film avec sensibilité, sans aller vers la performance. Un peu comme si, pour son premier geste de réalisateur, Paul Dano avait aussi la bienveillance et l’élégance de passer le relais à un héritier. La preuve que certains films ont beau avoir les atours trompeurs « d’objet modeste de cinéma », leur justesse et leur humanité en font de grandes et belles expériences de spectateur. 

De Paul Dano. Avec Ed Oxenbould, Carey Mulligan, Jake Gyllenhaal. États-Unis. 1h45. Sortie le 19 décembre 

4Etoiles

 

 

 

 

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