NEVADA : chronique

19-06-2019 - 09:22 - Par

NEVADA : chronique

La thérapie animale dans les prisons américaines, vue par une réalisatrice française. Romanesque et bouleversant.

 

Il y a chez ces réalisatrices étrangères une manière de filmer les grands espaces américains et les cow-boys d’aujourd’hui aussi réaliste qu’empreinte de siècles de fiction. La cinéaste d’origine chinoise Chloé Zhao avec THE RIDER l’an dernier, la Française Laure de Clermont-Tonnerre ce mois-ci. Comme si elles voulaient tout dévorer des paysages fantasmatiques et tout comprendre de la virilité en un seul film. Tout saisir d’un déclin, aussi. Même si THE RIDER reste le western moderne ultime, intimiste, rugueux et contestataire, NEVADA impose un romantisme peut-être un peu plus fabriqué mais non moins déchirant. Une prison au milieu de nulle part, des peines lourdes pour des hommes condamnés à être toute leur vie des taulards. Roman (impressionnant Matthias Schoenaerts), qui purge des années de peine, va intégrer un programme de thérapie animale. Il est chargé de dresser des chevaux sauvages, capturés dans des rafles terribles, pour que l’établissement puisse les vendre aux enchères. Au-delà de l’opération financière, la prison permet qu’un lien unique se crée entre la bête et le prisonnier, alors que leurs instincts respectifs s’apaisent au contact l’un de l’autre. De l’amitié qui naît entre eux se dégage une triste résignation. Comment vivre enfermé dans un pays aussi vaste ? Comment vivre entravé dans un pays qui, de ses paysages à ses valeurs, fait de la liberté un droit inaliénable ? NEVADA interroge tous ces paradoxes, la caméra au poing et le cœur gros. Son émotivité ne tombe jamais dans le sentimentalisme crasse et n’empêche pas non plus une vraie dureté à l’image. Il y a d’abord la scène d’ouverture tumultueuse, qui annonce le mélodrame à venir, une capture de mustangs d’une violence rare. On pourrait dire qu’il est facile de faire de si belles images quand le sujet est si puissant. Or une autre séquence particulièrement, où les prisonniers doivent soudain, en pleine nuit, mettre les chevaux à l’abri dans la cafétéria alors qu’une tempête approche, manifeste d’un travail admirable sur la direction de la photographie et sur le son. Le naturalisme est un véritable choix esthétique, pas une facilité. Entièrement vouée à projeter sur l’écran sa sidération face aux contrastes du pays, Laure de Clermont-Tonnerre réalise un premier film enflammé par un romanesque et une humanité renversants. Bercé de compassion et de bienveillance, NEVADA succombe peut-être à quelques clichés narratifs – disons qu’on sait à peu près où ça veut en venir. Mais peu importe la destination, le voyage quasi mythologique dans une Amérique brutale est sensationnel. 

De Laure de Clermont-Tonnerre. Avec Matthias Schoenaerts, Bruce Dern, Jason Mitchell. France/États-Unis. 1h36. Sortie le 19 juin

4Etoiles

 

 

 

 

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