BACURAU : chronique

24-09-2019 - 15:55 - Par

BACURAU : chronique

Dans un futur proche, les habitants de Bacurau remarquent que leur village a disparu des cartes… Enragé et sous influence carpenterienne.

 

Dans le village brésilien de Bacurau trône l’école Joao Carpenteria. La référence se voit même appuyée par l’utilisation d’un morceau composé par John Carpenter (« Night »). Kleber Mendonça Filho, co-réalisateur de BACURAU avec Juliano Dornelles, n’a jamais caché sa passion pour le réalisateur de NEW YORK 1997, qui a exposé sans fard ses angoisses et colères sur les tendances dictatoriales du système américain et/ou capitaliste. Lui aussi, BACURAU s’affirme comme une charge politique à peine voilée et se penche sur les relations entre Amérique du Sud et du Nord et sur la déliquescence du climat politique brésilien. Et si, comme souvent, le genre (ici le western, l’actioner, l’anticipation) agit comme vitrine attrayante puis vecteur du propos, Mendonça Filho et Dornelles s’en servent également comme symbole de l’Amérique et de son hégémonie culturelle. BACURAU est très énervé : il aborde le problème de l’eau et de la marchandisation des biens de première nécessité ; il filme un homme politique décharger des centaines de livres sur le sol ; il nous parle de corruption, d’abrutissement des masses, de lutte à mort entre les riches et les pauvres, des Américains et des Brésiliens, les monstres et les humains. BACURAU envoûte tout d’abord par la beauté de son exposition – un magnifique plan d’ouverture dans l’espace, illustré par une chanson pop brésilienne –, puis par la présentation des habitants du village, des âmes fortes et graciles qui forment une communauté solaire où chacun a sa place, où tout le monde participe d’une gestion collective raisonnée et humaine. Alors que BACURAU naît de son étrangeté, capturée par une caméra sans détour, il perd sans doute de sa force évocatrice à mesure que Mendonça Filho et Dornelles dévoilent les tenants et les aboutissants de leur intrigue. « La prochaine fois que tu veux provoquer quelqu’un, évite les clichés idiots », assène un personnage. On n’ira pas jusqu’à renvoyer la politesse au film même – il mérite mieux. Mais l’on ne pourra que regretter ses antagonistes interprétés approximativement (là où les villageois sont superbement campés), la tendance parfois décevante du film au ricanement face à l’horreur et face à la bêtise de ses méchants. La colère au cinéma est un art délicat. Elle doit être tranchée certes, mais aussi pleine et entière, quitte parfois à paraître excessive, pour éclater dans toute sa sincérité. BACURAU, s’il va loin, se dilue en tirant vers le passif-agressif et en admirant sa propre malice. Une mise à distance qui tranche un peu étrangement avec ses intentions très frontales. 

De Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles. Avec Barbara Colen, Sonia Braga, Udo Kier. Brésil. 2h12. Sortie le 25 septembre

3Etoiles

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.