PORT AUTHORITY : chronique

24-09-2019 - 15:58 - Par

PORT AUTHORITY : chronique

Après un passage à Cannes puis à Deauville, PORT AUTHORITY va pouvoir déployer sa force de cinéma populaire dans les salles.

 

Trente ans après que Madonna a susurré « Vogue » à l’oreille de la culture mainstream, la série POSE de Ryan Murphy a re-popularisé le voguing et propulsé des actrices transsexuelles reines du petit écran, bouleversant un statu quo de représentation. À côté de ce mastodonte, PORT AUTHORITY ferait presque office de repasse, en version cinéma indé – s’il n’était pas une splendeur esthétique en plus d’être une épopée sentimentale déchirante. Love story en milieu LGBTQ à New York, au sein des « ballrooms » et des « maisons », il s’agit aussi de la première fois qu’une comédienne transsexuelle est invitée en sélection officielle à Cannes – Leyna Bloom, danseuse, mannequin et maintenant actrice. Puissante dans la peau de Wye, vogueuse star, et dont Paul (Fionn Whitehead) tombe raide dingue. Il vient de débarquer à Manhattan par la gare routière de Port Authority et pense qu’il va habiter chez sa sœur. Malheureusement, déjà à 20 ans, la famille est une déception perpétuelle… Dans cette ville trop grande, anonyme, il croise Wye, et ses « frères », est immédiatement fasciné par l’assurance et la force de ce groupe. À la rue, il est pourtant recueilli par une autre bande, moins solaire et moins solidaire, celle de Lee (McCaul Lombardi), des jeunes types engagés pour déloger des locataires fauchés. La langue anglaise a galvaudé le mot « brother », que des mecs sans aucune sorte d’amour les uns pour les autres se jettent en ponctuation. Dans PORT AUTHORITY, les familles qu’on se choisit sont plus belles que celles qu’on nous impose. Si plusieurs conceptions du sentiment d’appartenance s’affrontent en continu, jalonnant un chemin de croix de terrible solitude pour Paul (un personnage si émouvant que sa simple présence à l’écran peut vous tirer des larmes), c’est autant de types d’hommes qu’on lui propose de devenir. Le virilisme vs. la masculinité moderne. Le bellicisme vs. la bienveillance. L’accaparement de l’espace vs. sa réappropriation. La monocratie vs. le partage. Lui, l’introverti, qui tient presque maladivement le monde à distance – sauf la caméra mariant intimité et grande pudeur de Danielle Lessovitz – va se laisser toucher par une femme, une communauté, ses codes, sa complicité et sa manière si singulière d’exister. Jamais filmée comme un spectacle, ni par aucun prisme voyeuriste, exotique ou anthropologique, la culture des balls sert de toile de fond à cette histoire d’amour moderne où caméra et personnages ne voient bien qu’avec le cœur. Ce n’est pas le premier film à réunir les âmes seules. Mais rares sont ceux qui s’astreignent à un romantisme si absolu et à un romanesque aussi entier.

De Danielle Lessovitz. Avec Fionn Whitehead, Leyna Bloom, McCaul Lombardi. États-Unis. 1h34. Sortie le 25 septembre

4Etoiles

 

 

 

 

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