LA VOIE DE LA JUSTICE : chronique

28-01-2020 - 14:48 - Par

LA VOIE DE LA JUSTICE : chronique

L’adaptation des mémoires de Bryan Stevenson, « Just Mercy », avocat sortant à tour de bras des innocents du couloir de la mort.

 

Lancé à la rentrée comme un sérieux candidat aux Oscars, LA VOIE DE LA JUSTICE ne fait plus vraiment partie des discussions aujourd’hui… Sûrement s’est-il fait supplanter par des films au caractère plus affirmé, un brin plus mordants. Destin Cretton est un bon storyteller, il dirige parfaitement ses acteurs et maîtrise la chorégraphie de ses scènes. Mais la discrétion de sa caméra, sa place en retrait de son histoire, peuvent jouer contre lui. LA VOIE DE LA JUSTICE n’est pas démonstratif. Son héros au service de la justice, dénonçant les incarcérations massives des Noirs, est un héros classique d’Americana se heurtant aux institutions racistes et mensongères. Aujourd’hui, l’industrie préfère aborder les problématiques raciales par un prisme plus contemporain, plus subtil, parfois par celui du film de genre. Le vieux procedural où des Afro-Américains viennent frontalement attaquer le mal sudiste ne fait plus rêver, taxé d’académisme.

C’est vrai, LA VOIE DE LA JUSTICE s’applique à donner au cinéma une conscience sociale et politique, avec des discours pas toujours très fins et une reconstitution scolaire de l’époque. Malgré ce lourd bagage de « l’histoire vraie », de la responsabilité face aux faits, le film impose sa bienveillance naturellement. Et doit remercier en grande partie ses comédiens, à la hauteur des enjeux. Peut-être le costume de Michael B. Jordan, dans le rôle de l’avocat activiste, est-il un peu trop grand pour lui, mais son humilité sied parfaitement aux timides débuts de son personnage face aux paniers de crabes de l’Alabama. Face à lui, un Jamie Foxx des grands jours incarne Walter McMillian, la victime idéale : accusé à tort d’avoir assassiné l’employée d’un nettoyage à sec, très certainement parce qu’il était l’amant d’une Blanche dans un État qui ne pouvait concevoir ce genre de liaison. O’Shea Jackson Jr (STRAIGHT OUTTA COMPTON) est le voisin de cellule : s’il a peu de place pour exister, un dispositif cinématographique malin et le jeu solaire de l’acteur laissent imaginer toute une vie. Enfin, le toujours impeccable Tim Blake Nelson a peut-être l’un des arcs narratifs les plus intéressants, en victime collatérale du système judiciaire. Parce qu’elle est là, l’intelligence de LA VOIE DE LA JUSTICE : ne jamais laisser le problème racial complètement occulter le drame des classes en Amérique, mais au contraire, dresser les contours de leur interconnexion. Bien sûr, on peut taxer le film d’être trop consensuel pour son époque. Il rappelle toutefois, avec honnêteté, des vérités aussi cruelles que la nature assassine du racisme, et rend hommage aux Sysiphe d’aujourd’hui qui luttent contre ça.

De Destin Cretton. Avec Michael B. Jordan, Jamie Foxx, Rafe Spall. États-Unis. 2h17. Sortie le 29 janvier

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