STOKER : chronique

01-05-2013 - 10:14 - Par

Un thriller américain übersexué fort de la précision de son réalisateur, Park Chan-wook.

India (Mia Wasikowska) vient de perdre son père (Dermot Mulroney). Elle constate que son deuil est plus profond que celui de sa mère (Nicole Kidman), trop occupée à accueillir dans les règles de l’art son beau-frère, l’oncle Charlie (Matthew Goode). L’inquiétante présence de cet inconnu, prédateur en goguette, va envenimer les relations déjà tendues entre les deux femmes. STOKER (du nom de famille d’India) est un film glaçant et roide. Une atmosphère rigide très 1950-1960, où les cheveux sont bien coiffés, les jupes bien plissées, les socquettes immaculées, où l’impassibilité des regards cache des arrière-pensées morbides et où le sourire est toujours mauvais signe. Park Chan-wook manie savamment l’art de la suggestion, autant qu’il s’adonne parfois à des envolées d’une grande violence (c’est le fil rouge de son œuvre). Il filme avec délicatesse la sensualité puis, plus crûment, le cul. Hommage à Dracula, STOKER préfère davantage s’intéresser à la dimension romantico-morbide de la relation qui unit l’initiateur Charlie à l’innocente India. C’est un conte initiatique où – sans vouloir trop en dévoiler – la quête identitaire passe par la découverte du sexe. Par la satisfaction procurée par la domination de la petite mort. Le cœur de l’intrigue, lui, (Qui est vraiment Charlie ?) est résolu le temps d’un flash- back, visuellement superbe mais expédié en un bloc narratif lourd. Certes, la rigueur est moins présente au scénario qu’à l’écran. Mais les faiblesses de l’histoire seront toujours réparées à l’image, où le soin qu’apporte Park Chan-wook à chaque détail est littéralement salvateur pour la sophistication du film. STOKER est d’une précision visuelle spectaculaire. La tension se joue soit par des plans construits mathématiquement, soit sur un léger décadrage qui dérange la perception, soit encore sur l’incongruité d’un plan de coupe. L’inquiétude, vernis de tout le film, repose sur une lumière laiteuse ou des couleurs hopperiennes, sur un polo trop grand. Et enfin sur le choix éclairé des acteurs : la perfection des visages féminins est troublante, le rictus enjôleur de Goode est désarmant. STOKER est d’une maîtrise tellement flagrante qu’il en devient terriblement oppressant. Quelle jubilation alors quand tout déraille dans la perversité !

De Park Chan-wook. Avec Nicole Kidman, Mia Wasikowska, Matthew Goode. États-Unis. 1h40. Sortie le 1er mai

 

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