EDGE OF TOMORROW : chronique

04-06-2014 - 14:41 - Par

Doug Liman fabrique un blockbuster hyper ludique, mais finit par se rouler dans les conventions qu’il avait déconstruites.

Dans EDGE OF TOMORROW, Tom Cruise incarne Cage, un gradé des relations publiques de l’armée qui, après avoir trucidé un alien sur les plages normandes, se trouve doté d’un pouvoir relevant de l’omniscience : s’il meurt, la journée est rebootée. Après moult expériences malheureuses sur le front, il comprend la valeur de ce don : s’associer à l’Ange de Verdun (Emily Blunt) pour abattre la tête pensante de l’armée extraterrestre ennemie et gagner la guerre. En mourant beaucoup, Cage va acquérir l’expérience pour accomplir sa mission. De l’effet de répétition, Doug Liman tire un blockbuster à mi-chemin entre un film de guerre bourrin et une comédie ultrasophistiquée. Dans un premier temps, le réalisateur s’amuse à filmer sempiternellement la même chose, mais jamais deux fois de la même manière, et donne une leçon très ludique de mise en scène. Choix de focale, d’angle, de valeur de plan : il rend à la réalisation son sens, transmet avec sa caméra une foule d’informations très précises et démontre une efficacité redoutable de storytelling par l’image. Dans un second temps, c’est avec le spectateur qu’il joue. Outre le fait qu’il l’amuse en permanence avec un humour de répétition, de situation, voire franchement gaguesque, il le remet à sa place en le forçant à considérer Cage (et donc Tom Cruise) comme une sorte de surhomme qui manipule le temps et les timelines du récit. Il le force à courir après l’histoire d’un héros qui l’a déjà vécue. Ce qu’il donne à voir s’est déjà passé. Ce qu’on apprend, Cage le sait déjà, dans des bouts de récits qu’on nous a cachés. EDGE OF TOMORROW est un exercice de montage digne de l’orfèvrerie : répétitions, ellipses, cut, vannes, ellipses, cut, répétition… le film prend des allures de manège enivrant et euphorisant. Le cerveau est un peu perdu, mais le plaisir de spectateur est quelque part aussi primaire qu’intellectuel. Blockbuster vraiment pas idiot dans un premier temps, EDGE OF TOMORROW déplace ensuite les enjeux sur un terrain plus classique. Fini de jouer, le dernier quart bénéficie toujours de l’aisance d’un Tom Cruise spectaculaire (le film lui doit une grande part de son cool) mais s’enlise dans des scènes d’action de bas niveau et dans une ambiance nocturne du pire effet, sans compter des décors qui sentent le préfabriqué. Tout s’assagit et rentre dans le rang, il n’y a plus le pouvoir de séduction du dispositif. Pire, la fin est un déni de l’intelligence forcenée dont le film a fait preuve. Il y a comme une victoire volée du mainstream sur ce qui était pour sûr l’œuvre quasi psychédélique, quasi expérimentale, d’un réalisateur visionnaire.

De Doug Liman. Avec Tom Cruise, Emily Blunt, Bill Paxton. États-Unis. 1h53. Sortie le 4 juin

 

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