LES POINGS CONTRE LES MURS : chronique

04-06-2014 - 14:34 - Par

Le réalisateur David Mackenzie suit à la trace Eric, 19 ans, prisonnier dangereux, et cherche les origines de sa violence. Jack O’Connell est une véritable révélation.

Eric n’est jamais passé par la case petite délinquance. Depuis son plus jeune âge, il est considéré comme dangereux. Après avoir passé du temps en centre de détention pour mineurs – une expérience manifestement stérile –, il est finalement envoyé en prison, dans une zone sécuritaire réservée aux détenus les plus difficiles. Eric Love (notez l’ironie) a 19 ans. Une fois le jeune homme dans sa nouvelle cellule, son premier réflexe est de se fabriquer un couteau de fortune. Ensuite, son père, incarcéré lui aussi et caïd de la cour, le prévient : pas de vague ici ou ce sera la mort. De toute évidence, Eric a de qui tenir. Les gardes veulent le mater, un éducateur veut le réhabiliter. La caméra de David Mackenzie est au plus près de lui, de son intimité. C’est un privilège car Eric aboie sur quiconque lui parle et massacre celui qui ose l’approcher. D’où vient son innommable violence ? C’est tout le sujet des POINGS CONTRE LES MURS, récit initiatique tordu, resociabilisation embryonnaire d’un cinglé. Dans la peau du spécimen, Jack O’Connell, flamboyante révélation du cinéma anglais, enfant de SKINS ou de EDEN LAKE, habitué aux rôles de geezers à l’argot fleuri. Depuis, son jeu s’est affiné. Son énergie est toujours aussi dévorante mais il la canalise. Son regard est précis. Les mots sont éructés, vomis, mais toujours avec exactitude et justesse. Eric est donc un pitbull enragé mais il cache une sophistication émotionnelle qui frémit tout du long. Il a en fait des comptes à régler avec son paternel, Neville (le superbe et inquiétant Ben Mendelsohn vu dans ANIMAL KINGDOM), qui ne l’a éduqué qu’à coups de mauvais exemples. Et avec les adultes en général, l’autorité, la compassion, la gentillesse et les gestes tendres. Eric, comme le film d’ailleurs, est bouleversant par la peine insondable qui le meut et par la brutalité explosive qui cache des sentiments inavouables. Chacun a ses faiblesses et LES POINGS CONTRE LES MURS les chatouille souvent, jusqu’à allumer la mèche qui fera exploser l’immuable fonctionnement des lieux. Eric est un grain de sable dans les rouages. Matons et caïds vont vouloir le briser, mais toutes les menaces et tous les coups ne sont rien face à la douleur intérieure. Dans ce microcosme où l’on n’existe que par sa place dans la meute – voire dans la chaîne alimentaire –, tout est affaire d’apparences. Derrière la posture, il y a pourtant le besoin de tisser des liens intimes, de tricoter des rapports amicaux qui ne seraient pas des rapports de force. Parfois, la tendresse bourgeonne entre Eric et son père, eux qui n’ont comme contact qu’une escalade d’agressivité et d’obscénités si démesurée qu’on en rit. Malgré le socioréalisme, le film de David Mackenzie n’a de social que son discours sur la paupérisation et la corruption morales des figures de répression. Le banditisme et la violence carcérale sont des états de fait acceptés mais jamais jugés. Ce qui l’éloigne d’une analogie avec UN PROPHÈTE par exemple (dont il semble être le cousin britannique éloigné), c’est son désintérêt pour la politique. LES POINGS CONTRE LES MURS n’est qu’une histoire de renaissance et d’acceptation. Celle, majestueuse, d’un garçon qui doit, pour survivre, apprendre à nouveau l’affection.

De David Mackenzie. Avec Jack O’Connell, Ben Mendelsohn, Rupert Friend. Grande-Bretagne. 1h45. Sortie le 4 juin

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.