BOYHOOD : chronique

23-07-2014 - 12:30 - Par

La vie, l’amour, le temps qui file : Richard Linklater livre un film paradoxalement humble et ambitieux, épique et intime.

Au cœur de BOYHOOD retentit une chanson, « Hero ». BOYHOOD étant le fruit de l’imagination de Richard Linklater, amateur du storytelling musical, ce choix n’a rien d’une coïncidence. « Let me go / I don’t wanna be your hero / I don’t wanna be a big man / Just wanna fight like everyone else », y entend-on (Laissez-moi / Je ne veux pas être votre héros / Je ne veux pas être un grand homme / Je veux juste me battre comme tout le monde). Des paroles exaltant la normalité, le destin banal d’un jeune homme souhaitant juste avoir un boulot pour sortir sa copine. Soit tout ce que donne à voir BOYHOOD : une pure chronique, sans réel début ni véritable fin, qui regarde défiler le temps et la vie d’un garçon, Mason, de ses 5 ans à ses 18 ans. Sans « sur-dramaturgie ». L’existence humaine uniquement, dans ce qu’elle a de plus trivial et donc de plus universel. BOYHOOD a la volonté d’observer son personnage central comme un être parmi les autres, de refuser tout élan trop romanesque – contrairement à la trilogie BEFORE, avec laquelle BOYHOOD partage néanmoins nombre de thématiques. D’aucuns trouveront là un manque cruel de focalisation, voire une glorification ennuyeuse du quotidien. Pourtant, le film de Richard Linklater n’est pas dénué de drame – la mélancolie de l’enfance, la douleur de grandir avec des parents séparés, la souffrance d’une rupture, la difficulté de laisser grandir ses enfants, notamment. Une universalité que Linklater capte avec justesse via un procédé prodigieux : BOYHOOD s’est tourné pendant… douze ans. Pas de maquillage pour vieillir les parents campés par Patricia Arquette et Ethan Hawke. Pas de changement d’acteur pour les différents âges de Mason et sa sœur Sam, incarnés par les seuls Ellar Coltrane et Lorelei Linklater. Là réside le génie de Linklater : confronter un récit intime à une mécanique follement ambitieuse, et parvenir à ce qu’aucun des deux ne cannibalise l’autre. De références mainstream (STAR WARS, « Harry Potter », Britney Spears) en repères politiques (le 11-Septembre, l’élection d’Obama), Linklater peint autant une histoire récente de l’Amérique et de la pop culture que l’évolution de cette famille dont le cœur bat devant nous. Dont les illusions se brisent ou dont les plaies se cicatrisent en l’espace d’une seconde, par la grâce d’ellipses savantes mettant le quotidien en perspective. Peut-être que BOYHOOD, dans son existentialisme, ne livre aucune leçon inédite ou fondamentale sur la vie et le temps qui passe. Mais les plus simples et évidentes ne sont-elles pas, au final, les plus importantes ?

De Richard Linklater. Avec Ellar Coltrane, Patricia Arquette, Ethan Hawke. États-Unis. 2h43. SORTIE LE 23 JUILLET

 

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