Toronto 2014 : 99 HOMES / Critique

10-09-2014 - 13:32 - Par

Mue par des intentions louables, cette chronique de la crise des subprimes tombe rapidement dans la leçon de morale.

Ouvrier en bâtiment vivant avec sa mère et son fils, Dennis Nash (Andrew Garfield) peine à payer les mensualités de remboursement de la maison familiale. Jusqu’à ce que l’inévitable se produise : un tribunal décide de leur expulsion. Mais le jeune homme va vite rebondir : bien décidé à récupérer sa maison, il finit par travailler pour Rick Carver (Michael Shannon), promoteur immobilier corrompu en partie responsable de ses malheurs. Variation autour du pacte faustien, 99 HOMES s’interroge : devient-on un démon quand on en côtoie un et est-ce excusable de devenir, pour survivre, le genre de bourreau dont on a été soi-même la victime ? Enragé, le nouveau film de Ramin Bahrani l’est assurément. Il déborde d’une colère et d’une énergie suintant à l’écran. À ce titre, la première scène, plan séquence ahurissant révélant la figure diabolique qu’est Carver, capte avec force l’aura de prédateur cynique de ce personnage, en cela bien servi par l’animalité agressive de Michael Shannon. Suivent quelques autres scènes d’une puissance dramatique indéniable, comme celle de l’expulsion de Nash et sa famille, explosion de sons, de cris, de musique, de pleurs et de frustration. Malheureusement, là où un film comme LE LOUP DE WALL STREET parvenait à aborder les excès du capitalisme par le prisme de la comédie sardonique et opérait ainsi une séduction troublante sur le spectateur permettant de mieux démasquer le démon, 99 HOMES s’avère trop premier degré pour sonner juste. Paradoxalement trop concerné et impliqué, trop à fleur de peau, le film ne parvient à générer le trouble. Même s’il tente de ne pas faire de Rick Carver un ‘méchant’ mais une figure plus ambiguë adoubée par la loi, par un rêve américain poussant à la réussite, le script passe par presque tous les rebondissements attendus et aucune surprise ne vient bousculer le récit. De même, si l’idée de démontrer comment le système mène les plus faibles à s’entredévorer s’avère intéressante, 99 HOMES reste trop binaire dans son analyse et sa caractérisation des personnages et finit par tomber dans l’angélisme voire la manipulation émotionnelle. Ainsi, la façon dont le film déroule le destin de Nash, victime du système devenant l’agent zélé de celui-ci et prenant l’excuse de sa propre survie pour succomber au miroir aux alouettes de la réussite, n’est même pas très loin de la leçon de morale lourdaude. On ne remettra évidemment pas en cause la sincérité de Ramin Bahrani dans sa peinture du monde actuel – son cinéma a toujours été socialement concerné et engagé –, mais sans doute que cette fois, son regard s’est trouvé aveuglé par la colère.

De Ramin Bahrani. Avec Andrew Garfield, Michael Shannon, Laura Dern. États-Unis. 1h52. Prochainement

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