Toronto 2015 : THE WITCH / Critique

12-09-2015 - 05:38 - Par

Toronto 2015 : THE WITCH / Critique

Aride, austère, extrême : THE WITCH propose une expérience de cinéma atmosphérique et esthétique des plus prenantes.

Nouvelle Angleterre, XVIIe siècle : une famille de colons puritains se fait bannir de son village. Elle s’installe dans une plaine isolée, à la lisière d’une forêt. Un matin, la fille aînée, Thomasin, joue avec le dernier né de la famille. Mais le bébé disparaît sous ses yeux, en un instant. Cet événement traumatique va mener toute la famille dans l’hystérie. Et si des forces surnaturelles vivaient dans la forêt et avaient kidnappé leur enfant ? Et si leur fille était une sorcière ? Avec son premier film de cinéaste, le production designer Robert Eggers s’est immédiatement fait un nom au festival de Sundance, où il a remporté le prix du meilleur réalisateur. Il faut dire qu’avec THE WITCH, il propose une expérience de cinéma marquante – qu’elle rebute ou qu’elle fascine. À la manière de Kubrick dans BARRY LYNDON, Eggers tente l’immersion totale dans un sujet et son époque, cherchant à reproduire à l’écran, de manière organique et la plus réaliste possible, ce que devait être la vie quatre siècles dans le passé. THE WITCH débute dans le choc et l’horreur – une manière maligne de capter l’imagination effrayée du spectateur. Puis, lent et patient, le récit prend le temps de laisser son univers se construire et son atmosphère se consolider scène après scène. Bâtissant cette ambiance sur les attentes suscitées par les cinq premières minutes de son film, Eggers refuse l’effusion ou les effets faciles. Tenant le spectateur au creux de sa main, il laisse le temps à ses acteurs de jouer, d’incarner, lors de longues scènes de dialogues en plans fixes. La ferveur religieuse de la mère, la noblesse sentimentale du père, l’étrangeté flippante des enfants y éclatent à l’écran, en une sorte de théâtre grotesque dont on peine parfois à décoder tous les tenants et aboutissants. Défini dans son titre comme un « conte folklorique », THE WITCH use d’un langage ancien, presque excluant. Il met au défi le spectateur. Alors, parfois perdu dans les méandres de la folie apparente de cette famille, se raccroche-t-on à l’édifice esthétique imparable qu’est THE WITCH. Tour de force pictural – l’utilisation redoutablement précise des ombres et de la lumière – et trip sonore déstabilisant – un score tout en cordes tremblotantes et un sound design où la nature se fait extrêmement menaçante –, THE WITCH demeure aussi un film profondément sensoriel, extrêmement dérangeant car élusif. Puis survient le troisième acte. D’austère, le film se fait plus frontal et offre quelques grands moments d’effroi. Pas sûr que l’on puisse réellement se préparer à THE WITCH et c’est peut-être là tout le sel de l’expérience de cinéma proposée par Robert Eggers. Immersive et jusqu’au-boutiste, elle invite au lâcher prise.

De Robert Eggers. Avec Anya Taylor-Joy, Ralph Ineson, Kate Dickie. Canada/États-Unis. 1h30. Prochainement

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