S.O.S FANTÔMES : chronique

10-07-2016 - 19:18 - Par

S.O.S FANTÔMES : chronique

Porté par quatre fantastiques héroïnes, ce S.O.S FANTÔMES a les qualités et les défauts de la comédie US contemporaine. Inégal mais souvent grisant, donc.

SOSF-PosterPlus que tout autre film récent – de JURASSIC WORLD à TERMINATOR GENISYS –, le nouveau S.O.S FANTÔMES aura cristallisé la frustration d’une frange des cinéphages : les trentenaires qui, depuis quelques années, voient leur culture régurgitée par Hollywood dans des projets plus ou moins opportunistes, plus ou moins réussis. Pour Paul Feig, coscénariste et réalisateur de ce S.O.S FANTÔMES next gen, la tâche était presque insurmontable a priori : comment ressusciter une franchise adorée en partie pour le cœur dont elle faisait preuve ? Attachée à un véritable sentiment enfantin, le premier S.O.S FANTÔMES reste un monolithe de la pop culture 80’s, en dépit du fait qu’il n’a rien d’un film parfait – au contraire de RETOUR VERS LE FUTUR, par exemple. Paul Feig a compris que S.O.S FANTÔMES était avant tout un high concept suffisamment malléable pour être reformaté et adapté à toute époque, à divers héros. Pour ce remake / reboot, il prend donc la meilleure option possible : plus qu’un S.O.S FANTÔMES, il signe une comédie de Paul Feig qui, tout en cherchant à être fidèle au film dont il s’inspire, s’illustre davantage quand elle s’en départit.

D’un côté, Feig et sa scénariste Katie Dippold (la série PARKS & RECREATION, LES FLINGUEUSES) peinent à faire de ce remake un S.O.S FANTÔMES totalement convaincant tant ils semblent par moment prisonniers des exigences commerciales – imposées par le studio, le public, l’aura de la licence –, n’osant jamais vraiment bifurquer d’un chemin tracé par l’original. Le déroulé de l’intrigue est ainsi trop souvent calqué sur les premiers films, parfois trop mécanique. Le film subit quelques soucis de rythme – le montage se révèle parfois problématique – notamment parce qu’il cherche trop visiblement à ne pas froisser les fans et la franchise, à cocher divers passages obligés qui nuisent à son emballement. À ce titre, soulignons particulièrement les clins d’œil contre-productifs et les caméos de rigueur, particulièrement inutiles et forcés. Une déférence qui interroge forcément le fandom et l’emprise des fanboys sur leurs licences fétiches mais qui, surtout, tire S.O.S FANTÔMES vers une comparaison stérile avec l’original. Stérile parce que le remake et son modèle sont deux bêtes radicalement différentes.

Comme celle de la saga matricielle, la distribution de ce S.O.S FANTÔMES est en partie issue du line-up de stars de l’émission « Saturday Night Live ». Une lignée qui rapproche immédiatement les deux films, mais dans un esprit plus que dans un type d’humour. S.O.S FANTÔMES célèbre une continuité dans le changement et ce, en raison de la mutation qu’a connu le rire US ces trente dernières années. Faisant le lien entre le rire de la maladresse ou du décalage burlesque et le rire du quotidien névrosé popularisé par Apatow, S.O.S FANTÔMES s’impose comme une comédie particulièrement réussie. Pétri d’idées hilarantes parfaitement exécutées – engager la statue grecque Chris Hemsworth pour camper un secrétaire débile objet de concupiscence –, de répliques affûtées (« Vous avez un problème avec les femmes ou avec les Noirs ? »), de références méta finalement plus pertinentes que les clins d’œil aux premiers films, S.O.S FANTÔMES fera rire les amateurs de grosse comédie qui tache, de gags gras et de gêne élevée au rang de tempo comique roi – tous ceux ayant apprécié MES MEILLEURES AMIES, LES FLINGUEUSES ou SPY, en somme.

SOSF-PicComme dans ses films précédents, Paul Feig observe ici le rapprochement humain, la naissance d’une (ou de plusieurs) amitiés indéfectibles, regarde avec mélancolie et tendresse ce qui éloigne puis rapproche les êtres. Au-delà des spectres qui envahissent New York, le fantôme principal que combattent les Ghosbtusters de ce nouveau film est intime, personnel, profondément enfoui en chacune d’elles (et de nous) : ce sont les traces d’humiliations passées, de rêves oubliés, de confiance trahie, d’amitiés brisées, de compromis imposés. Ce propos, profondément touchant car juste et peu appuyé, pourrait bien être le lien le plus intelligent avec le premier film et l’hommage ultime de Feig : il rappelle que S.O.S FANTÔMES était un sommet de tristesse, rongé par le décès du meilleur ami de Dan Aykroyd, John Belushi – remplacé au générique par Bill Murray.

Enfin, au centre de ce S.O.S FANTÔMES réside un joyau qui justifie pleinement son existence : ses actrices. On citera en premier lieu Kate McKinnon qui livre une prestation clownesque, physique, décalée, ménageant avec aisance l’outrance et le retrait. La comédienne, superbement dirigée, se saisit même de l’esprit des Z.A.Z en occupant tout l’espace et particulièrement les arrière-plans. Elle incarne chaque image, même quand elle n’a aucune réplique. Une performance fascinante qui justifierait presque une vision dédiée. Ses comparses Kristen Wiig, Leslie Jones et Melissa McCarthy ne sont pas en reste. Toutes fantastiques d’aisance comique, téméraires dans leur habileté à embrasser une certaine vulgarité, elles font de ce S.O.S FANTÔMES, par leur présence tempétueuse, un blockbuster symboliquement important : quelques mois après ROGUE NATION, FURY ROAD et LE RÉVEIL DE LA FORCE, il rappelle le plaisir exaltant de voir des héroïnes s’imposer dans des univers pop qu’on leur a trop souvent refusé.

De Paul Feig. Avec Kristen Wiig, Kate McKinnon, Leslie Jones, Melissa McCarthy. États-Unis. 1h56. Sortie le 10 août.

3Etoiles5

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.