MISE À MORT DU CERF SACRÉ : chronique

01-11-2017 - 16:29 - Par

MISE À MORT DU CERF SACRÉ : chronique

Profondément antipathique, le cinéma du grec Yorgos Lanthimos est pourtant toujours passionnant.

Chirurgical et métaphorique, minimaliste et grandiose, MISE À MORT DU CERF SACRÉ, simili tragédie grecque fucked up, laisse une bizarre impression. On serait donc tentés de dire que c’est une réussite. Pourtant, quelque chose coince. Comme avec THE LOBSTER, cette transposition américaine de son cinéma s’appuie sur un détournement de genre. Après la romcom transformée en totalitarisme amoureux, le thriller façon calme plat. Un art de l’antithèse très sale gosse qui accouche, dans les deux cas, de propositions formelles et narratives excitantes. Comme dans un thriller classique, donc, MISE À MORT DU CERF SACRÉ se construit sur une lente montée de l’angoisse, une installation progressive de la flippe jusqu’à l’éclatement final. Sauf qu’évidemment, chez Lanthimos tout est un peu à côté. Obsédé par l’apathie, la paralysie, le cotonneux, ce film bleuté déroule sa violence comme dans de la ouate. Colin Farrell et Nicole Kidman, géniaux, campent ainsi un couple de médecins insondable, étrangement robotique, plus bizarre que ce jeune homme (Barry Keoghan) qui s’invite dans leur vie. Complètement perdu, le spectateur ne sait pas vraiment d’où vient la menace. Et quand elle éclate, elle est tout de suite relativisée, rendue absurde par le calme du film. La tension et le malaise viennent du fait que le film ne déborde jamais, comme une cocotte- minute glacée. C’est tout le génie de Lanthimos, tout son savoir-faire technique et formel qui s’exprime ici dans de longs travellings oppressants, une façon de tordre le plan, d’ouvrir l’espace à toutes les menaces possibles pour mieux l’écraser, l’étouffer ensuite. Buñuelien avec THE LOBSTER, Lanthimos se fait ici très kubrickien. C’est à la fois la grande force et, hélas, un peu la faiblesse du film. Car si MISE À MORT… est un grand film de mise en scène, une véritable machine à impressionner la rétine, sa petite tambouille narrative rame nettement plus. On a connu Lanthimos plus inspiré, plus retors, plus drôle qu’avec cette histoire de vengeance, ce « Choix de Sophie » un peu trop expédié. Là où THE LOBSTER réussissait brillamment à incarner son sujet, ici le dispositif de détournement du genre et de glaciation des affects tourne un tout petit peu à vide. Le bouquet final attendu manque de surprise et d’ampleur. Tordu, bizarre, passionnant et un peu raté, MISE À MORT DU CERF SACRÉ déroule donc son programme horrifique avec talent, mais sans réel génie. Dans ses meilleurs moments, c’est un pur film d’acteur taré, un vrai Kidman’s Movie avec émotion corsetée et débordement cinglé. Dans ceux moins inspirés, c’est un petit Haneke next-gen gentiment provoc.

De Yorgos Lanthimos. Avec Colin Farrell, Nicole Kidman, Barry Keoghan. États-Unis. 1h49. Sortie le 1er novembre

3Etoiles5

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.