DON’T WORRY HE WON’T GET FAR ON FOOT : chronique

03-04-2018 - 16:22 - Par

DON’T WORRY HE WON’T GET FAR ON FOOT : chronique

Le réalisateur de ELEPHANT ou GERRY peine à renouer avec le cinéma visionnaire et singulier pour lequel on l’admirait tant.

En 2015, après la présentation désastreuse de NOS SOUVENIRS en compétition à Cannes, on ne donnait plus cher de la carrière de Gus Van Sant, ce réalisateur visionnaire, transgressif, qui avait gagné une Palme d’Or pour ELEPHANT ou capturé les dernières heures de Kurt Cobain et du grunge comme s’il filmait la fin d’un monde (LAST DAYS). Son inspiration montrait quelques signes de faiblesse depuis quelques temps déjà : les qualités humanistes d’HARVEY MILK étaient bien entamées par son académisme. RESTLESS et ses fantômes, présenté à Un Certain Regard en 2011, minaudait, plein de tics et de poésie de bas étage. PROMISED LAND, plutôt plaisant, scellait le sort d’un cinéaste désormais voué à regarder l’Amérique par le prisme d’un cinéma de studio propre et policé. En allant chercher Joaquin Phoenix dans les limbes de PRÊTE À TOUT pour DON’T WORRY HE WON’T GET FAR ON FOOT (et Udo Kier aussi, déjà de MY OWN PRIVATE IDAHO et EVEN COWGIRLS GET THE BLUES), c’est un peu de l’inspiration de sa jeunesse que Gus Van Sant a exhumée. Non pas que son dernier film renoue avec ses primes audaces, mais il déploie une telle énergie qu’on y voit un retour à un cinéma aussi vivant qu’indocile. Le personnage y fait beaucoup : John Callahan, porté sur la picole, finit tétraplégique, cloué à une chaise roulante après un accident de voiture. Lorsqu’il décide d’arrêter de boire, il va se jeter dans une carrière de cartooniste poil à gratter, blagueur de tous les sujets, même les plus polémiques. Son regard neuf sur la vie, c’est ce qui fait la fraîcheur du récit. DON’T WORRY est une histoire vraie, mais en optant pour une narration aussi imprévisible qu’un bœuf de jazz, allant d’avant en arrière dans la vie bousculée de son héros, Gus Van Sant rend sa biographie plus cinématographique qu’elle n’en a l’air et moins laborieuse. Comme certains long- métrages sur l’alcoolisme (THE SPECTACULAR NOW de James Ponsoldt ou UN DERNIER POUR LA ROUTE de Philippe Godeau), DON’T WORRY est en lutte perpétuelle avec sa nature de film- prévention, cherchant à se départir de son sujet tout en respectant une obligation morale de le prendre éminemment au sérieux. Ce que le film perd en culot, il le gagne en honnêteté et même en humour. Et Joaquin Phoenix – impeccable dans la peau du trublion Callahan – ou Jonah Hill – qui vole toutes les scènes dans celle de son parrain, Donnie – restent les vecteurs les plus efficaces de l’émotion. DON’T WORRY ne réconcilie pas Gus Van Sant avec le grand cinéma de mise en scène qui l’a fait connaître, mais il le rabiboche avec les personnages forts. C’est déjà bien.

De Gus Van Sant. Avec Joaquin Phoenix, Jonah Hill, Rooney Mara. États-Unis. 1h53. Sortie le 4 avril

3Etoiles5

 

 

 

 

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