NINA WU : chronique

08-01-2020 - 07:33 - Par

NINA WU : chronique

Lorgnant du côté de Brian De Palma, une incursion immersive et effrayante dans ce que doit endurer une actrice pour réussir.

 

Après avoir déjà joué dans quatre de ses longs et deux de ses courts-métrages, la comédienne Wu Ke-Xi retrouve le réalisateur Midi Z pour NINA WU. À la différence notable que, cette fois, elle officie également en tant que scénariste. Une première pour l’actrice et un défi relevé haut la main. NINA WU, comme le suggère son titre et la très immersive première scène (un plan subjectif dans un tunnel de métro puis des images de Nina sur le quai et dans la rue), entend mener le spectateur à pénétrer dans la psyché tourmentée de sa protagoniste. Comédienne galérant à tourner dans des pubs et des courts, gagnant sa vie grâce à un tchat vidéo, Nina décroche bientôt l’audition pour le rôle principal d’un film qui pourrait changer sa carrière. « On me donne enfin ma chance ! », s’enthousiasme- t-elle. Mais est-ce vraiment une chance ? Produit de l’ère #MeToo, NINA WU dépeint les humiliations, les violences morales et physiques, l’instrumentalisation du corps, les regards concupiscents et ce qu’on exige uniquement des femmes – en cas de refus, elles deviennent des « pleurnicheuses » ou des « incapables ». Bien que le film trouve une certaine efficacité dans diverses références, NINA WU ne se borne pas à une exploitation fictionnelle putassière de faits divers plus ou moins réels. Il propose une véritable expérience de cinéma, qui ne donne que plus de richesse et de sincérité à son propos. Par son écriture élusive, Wu Ke-Xi invite à un voyage étrange au côté d’une femme qui, écrasée par le poids de sacrifices non consentis, se fissure devant nous – sa prestation est d’une justesse affolante. Tirant parfaitement partie du Scope, Midi Z scrute les réactions de Nina et l’environnement écrasant qui l’entoure dans de splendides, lents et longs, travelling avant et arrière, comme pour mieux entrer dans l’esprit de son personnage ou mieux prendre du recul sur ce qu’elle traverse. Le design sonore, tout en nappes enveloppantes et bruits bizarres, devient quant à lui la manifestation concrète des pressions qui se jouent, puis des fêlures de Nina. Lorgnant par moments vers le cinéma manipulateur, à la fois charnel et mental, de Brian De Palma, NINA WU danse sur une ligne entre réel et irréel, peur et parano, naturalisme et genre, allant jusqu’à de véritables incursions dans l’horreur. On regrettera juste que le dernier acte lève le voile sur les mystères qui entourent Nina même si cette conclusion, dans son observation crue de la vérité, revêt une force indéniable.

De Midi Z. Avec Wu Ke-Xi, Vivian Sung, Chang Li-Ang. Taïwan. 1h42. Sortie le 8 janvier

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