THE NEST : chronique

09-02-2021 - 14:26 - Par

THE NEST : chronique

Sean Durkin, enfin de retour au cinéma, neuf ans après MARTHA MARCY MAY MARLENE, décortique les tensions qui animent une famille bourgeoise.

 

Après un plan liminaire sur une devanture typique d’une maison américaine, Sean Durkin ouvre THE NEST par de petits moments de la vie familiale et conjugale. Un peu plus de 100 minutes plus tard, il conclura son histoire de la même manière, sur un instantané du quotidien, mais avec quelques changements significatifs dans la manière dont les personnages interagissent dans ce cadre routinier. Entre-temps, le cinéaste va explorer chaque recoin de ce foyer, en faire tomber chaque masque, en dévoiler les secrets et s’attarder sur les névroses de chacun – père, mère, enfants – et les conséquences de celles-ci. Milieu des années 1980. Rory O’Hara (Jude Law) annonce à son épouse Allison (Carrie Coon) qu’il a obtenu un poste important dans son Angleterre natale, où la dérégulation des marchés ouvre toutes sortes de perspectives financières. Il rêve de grandeur, ne se voit pas autrement que très riche et bourgeois. La famille quitte alors l’Amérique pour Londres et emménage dans une immense bâtisse. Rory s’enferme peu à peu dans ses délires de réussite, Allison se rebelle contre son statut d’épouse voire de mère, leurs gamins n’y comprennent plus rien… Le nid, censément douillet, que Rory offre à Allison et à leurs deux enfants s’affirme immédiatement comme un révélateur de tout ce qui cloche dans le fonctionnement de leur foyer. Alors que la photographie use de contre-jours et laisse les ombres envahir les décors, les visages et les corps, une sorte de trou noir naît dans la nouvelle maison des O’Hara et, scène après scène, aspire et dévore tout. Une famille malade sans que personne ne s’en rende vraiment compte et que Durkin scrute avec patience et minutie : il multiplie les plans longs qui s’étirent, qui laissent à Law et Coon, impériaux, tout loisir pour construire les sentiments complexes, les fureurs et les désarrois de leurs personnages. Le malaise que crée Durkin à coups de lents zooms attentistes et de sursauts dérangeants – tout l’arc autour du cheval d’Allison – mène THE NEST vers une tension horrifique, mi-féroce mi-clinique, comme si THE SERVANT de Joseph Losey rencontrait NE VOUS RETOURNEZ PAS de Nicolas Roeg. Rien de fantastique ou de violent, juste la sensation persistante que les O’Hara vivent un cauchemar éveillé où rien de ce qu’ils croyaient connaître d’eux-mêmes et des autres ne semble s’accorder à leur nouvelle réalité. Hystérie du chef de famille chez lui, devoir intenable de protectrice chez elle : tout se fissure, et on assiste, hypnotisé, à cette remise en question que Durkin mène à une résolution d’autant plus fascinante qu’elle refuse toute ostentation.

De Sean Durkin. Avec Carrie Coon, Jude Law, Oona Roche. Royaume-Uni / Canada. 1h47. Le 9 février sur Canal+

4Etoiles

 

 

 

 

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