LA MISSION : chronique

09-02-2021 - 14:32 - Par

LA MISSION : chronique

Adapté du roman « Des nouvelles du monde » de Paulette Jiles, LA MISSION prouve que le western n’a rien perdu de son universalité.

 

Texas, cinq ans après la Guerre de Sécession. Ancien capitaine confédéré, Jefferson Kidd (Tom Hanks) voyage de village en village pour lire aux populations les nouvelles du monde. Il tombe sur une petite fille de 10 ans, Johanna (Helena Zengel). Lorsqu’elle avait 4 ans, sa famille a été tuée par des Amérindiens Kiowa. Élevée par ces derniers, elle est désormais également orpheline de sa famille adoptive. Kidd entreprend de la ramener à son oncle et sa tante de sang… Bien que son pitch rappelle, en inversé, LA PRISONNIÈRE DU DÉSERT de John Ford (un ancien confédéré tentait de retrouver sa nièce, enlevée par des Comanches), LA MISSION n’explore pas les relations entre le colon blanc et les Amérindiens mais les divisions qui gangrènent l’Amérique au sortir de la guerre civile, symbole des fractures actuelles et, plus largement, de celles qui traversent aujourd’hui les démocraties. À ce titre, LA MISSION s’inscrit dans la continuité thématique du précédent film de Paul Greengrass, UN 22 JUILLET. Plus que jamais, le cinéaste semble ainsi hanté par ce qui sous-tend et menace le vivre-ensemble. Mais aussi par le volontarisme qu’il réclame : cet idéal est réifié par Kidd, héros humaniste, caractérisé tant verbalement (« Nous avons tous un rôle à jouer. Nous sommes tous blessés par ces temps difficiles », dit-il à une foule texane rejetant l’autorité fédérale) que par ses actes (au détour d’un plan, on comprend qu’il a pris le temps d’enterrer un homme noir lynché qu’il a découvert dans les bois) et, de manière plus méta, par Tom Hanks, figure de concorde. Confrontés à des délires isolationnistes et populistes, à diverses oppressions racistes ou masculinistes, Kidd et Johanna ne sont qu’en quête de contact, de lien, de paix, de résilience. Si bien que LA MISSION ne cesse de rapprocher des concepts si ce n’est opposés, au moins éloignés – la nature mythologique du western et le pragmatisme du récit ; les nouvelles rapportées par les journaux comme sources d’évasion ; la famille de sang et celle que l’on se crée ; en allant de l’avant Kidd et Johanna retrouvent leurs passés ; l’équilibre entre les élans de cinéma-vérité et un certain classicisme, etc. Dans sa peinture du monde, LA MISSION érige quelques utopies nécessaires – la presse comme ennemi du pouvoir et outil de convergence des luttes populaires – et finit par résonner puissamment avec l’état et l’actualité du monde. « Il n’y a pas le temps pour les histoires », dit un personnage. Alors qu’en temps de crise – économique, morale ou sanitaire – elles sont au contraire tout ce qu’il nous reste pour nous (ré)unir.

De Paul Greengrass. Avec Tom Hanks, Helena Zengel, Elizabeth Marvel. États-Unis. 1h58. Le 10 février sur Netflix

4Etoiles

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.