NO SUDDEN MOVE : chronique

08-09-2021 - 09:43 - Par

NO SUDDEN MOVE : chronique

Même avec les propositions d’apparence mineure, Steven Soderbergh sait briller. Énième preuve avec ce polar joyeusement acide.

 

Dans son précédent long-métrage, LA GRANDE TRAVERSÉE (également diffusé en exclusivité sur Canal+), Steven Soderbergh parvenait à résumer le moteur de sa carrière, en offrant à un personnage d’écrivaine campée par Meryl Streep, ces mots : « Essayer, c’est tout. Si tu n’essaies pas, si tu ne prends aucun risque… » Voilà pourquoi il reste l’un des cinéastes les plus passionnants de notre époque : Soderbergh essaie, se frotte à tous les genres, tous les styles, tous les défis – technologiques, narratifs, industriels – sans penser aux potentiels revers. De cet appétit dont découle une certaine profusion, naît aujourd’hui NO SUDDEN MOVE, polar « à l’ancienne » dans lequel, en 1954 à Detroit, des petits criminels sont engagés pour surveiller une famille pendant qu’un des leurs force le paternel à voler un mystérieux document dans le coffre de son patron. Comme le veut le genre, rien ne va se dérouler comme prévu. Si HORS D’ATTEINTE surlignait le langage du film noir pour opérer une exacerbation des sentiments menant le film vers la romcom et la screwball sur-sexuée, NO SUDDEN MOVE use du décalage esthétique avec le polar pour créer une distance immédiate avec le genre (et l’époque du récit) et dessiner un propos. Muni de très grands angles en anamorphique et multipliant les mouvements panoramiques, Soderbergh soumet son image aux aberrations et autres déformations. L’effet est saisissant : le monde apparaît exagérément circulaire, réifiant un jeu de dupes où tous les personnages semblent tourner en rond, à la recherche de quelque chose qu’ils ne trouvent jamais vraiment. Avec ses cadrages marqués, Soderbergh assoit ainsi un évident désir d’artificialité, en parfaite adéquation avec l’hypocrisie de chaque personnage, les masques que tous revêtent pour servir leurs intérêts, les secrets qu’ils dissimulent et, au final, la révélation d’un pot-aux-roses particulièrement amer. Formidable d’humour laidback, alternant plans amples et montage tranchant, la première heure charme et emballe. NO SUDDEN MOVE cavale et coule de source. Passée la première heure, le récit bataille avec une légère confusion – qui trahit qui ? Pourquoi ? Comment ? – mais retombe régulièrement sur ses pattes, chaque révélation relançant l’intérêt dramaturgique ou thématique. Car si NO SUDDEN MOVE a le lustre et l’aisance d’OCEAN’S 11 ou HORS D’ATTEINTE, il s’inscrit davantage dans la lignée politico-acerbe de THE KNICK et HIGH FLYING BIRD pour démonter tout un système de privilège, une lutte des classes où les gagnants sont toujours les mêmes. Vindicatif, mais avec le sourire. 

De Steven Soderbergh. Avec Don Cheadle, Benicio del Toro, David Harbour États-Unis. 1h55. Le 8 septembre sur Canal+

4Etoiles

 

 

 

 

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