RIDERS OF JUSTICE : chronique

08-09-2021 - 09:41 - Par

RIDERS OF JUSTICE : chronique

Le réalisateur danois des BOUCHERS VERTS, d’ADAM’S APPLES et MEN & CHICKEN peint à nouveau la comédie en noir. Aussi grinçant que bouleversant.

 

Une femme meurt dans un tragique crash de tramway à Copenhague. Otto, l’homme qui lui avait cédé sa place dans le wagon (Nikolaj Lie Kaas), un statisticien fraîchement licencié, ne croit pas à la thèse de l’accident. Face à la détresse de la fille de la victime, il décide de creuser la piste hautement probable de l’attentat. Il s’arroge l’aide de Lennart (Lars Brygmann), son ancien binôme, et d’Emmenthaler (Nicolas Bro), un maniaque de la surveillance et de la reconnaissance faciale, puis part exposer sa thèse à Markus (Mads Mikkelsen), le veuf, militaire revenu précipitamment du Moyen-Orient où il était posté. Le sang de ce dernier ne fait qu’un tour : il veut trucider les responsables. Thriller d’action sur fond de terrorisme intérieur ? Plutôt comédie noire, très noire, sur quatre hommes comme autant de variations de la folie, de la plus douce à la plus violente. Pendant que Markus concentre sa colère sur les coupables, le gang des Riders of Justice, sa fille, Mathilde, tente de détricoter le fil des événements qui ont conduit au drame et remonte jusqu’au vol de son vélo par un gang estonien. Bien sûr, cet entrelacs d’intrigues, combiné à des caractérisations de personnages prenant la forme d’anecdotes nourries, peut faire penser à de la comédie mineure, presque sous-tarantinienne. Jamais. Sous le rire, aussi gêné soit-il, ce fameux rire de tout avec tout le monde, il y a toujours la solitude, un mal de vivre, l’aveu triste de son rapport sociopathe aux autres. Anders Thomas Jensen a plus ou moins inventé le malaise à la danoise, le film affreux, sale et méchant, à l’humour scato et gore, presque politique tant il est cathartique. Mais alors que le style Jensen commençait à tourner en rond (MEN & CHICKEN en sur-régime), dans RIDERS OF JUSTICE, l’auteur danois trouve une tendresse et une humanité nouvelles. Son cinéma de sale gosse a grandi, se faisant plus sophistiqué, même dans ses blagues mal dégrossies. Son art de la rupture et le mariage entre l’hyper-violence et l’ultra-humanité le rapprochent de l’héritier le plus sentimental de l’œuvre des frères Coen : le cinéma coréen. Cette maturité témoigne du même lâcher-prise évoqué dans RIDERS OF JUSTICE face à l’absurde abjection du monde. D’abord tordu, avec des personnages obsédés par le sens et les réponses, le film se libère de l’injonction à la logique : derrière une anecdote qui tombe à plat, Anders Thomas Jensen propose une définition parfaite du cinéma comme l’espace des histoires dignes d’être racontées, à l’intersection entre l’extraordinaire et l’improbable, là où tout ne serait que coïncidence. 

D’Anders Thomas Jensen. Avec Mads Mikkelsen, Nikolaj Lie Kaas, Nicolas Bro Danemark. 1h56. Le 10 septembre sur Canal+ Cinéma / Le 22 septembre sur Canal+

5EtoilesRouges

 

 

 

 

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