DOG : chronique

22-07-2022 - 13:22 - Par

DOG : chronique

Channing Tatum passe pour la première fois derrière la caméra et opère la résilience de deux bêtes de guerre traumatisées. Très simple mais particulièrement émouvant.

 

MAGIC MIKE, FOXCATCHER ou LOGAN LUCKY ont fait de Channing Tatum un raconteur de l’Amérique, flattant ses valeurs ou au contraire, objectant certaines de ses obsessions. Il aurait été un acteur parfait pour le Nouvel Hollywood. Et DOG, sa première réalisation – en binôme avec son partenaire de production et scénariste Reid Carolin –, aurait pu être un film des années 70, commentaire social et histoire d’amitié au sentimentalisme retenu. Le héros de DOG, comme souvent dans ce cinéma-là, n’est pas a priori un mec aimable. Militaire souffrant de séquelles cérébrales, Jackson Briggs (Channing Tatum) est obnubilé par son retour en mission. Il met la pression à son ancien colonel qui lui propose de plaider sa cause s’il promet de ramener Lulu, Malinoise de combat, jusqu’aux funérailles de Riley, son maître tombé au Moyen-Orient. Un road trip de 2500km depuis les forêts d’Oregon jusqu’à l’extrême sud de la Californie où Jackson, frustré, nombriliste, et peu psychologue va partager sa voiture avec une bête hors de contrôle – tant et si bien que l’armée a décidé de l’euthanasier après l’enterrement. Le parallèle est évident : voilà un homme et une chienne qui se sont battus pour le pays et qui, une fois abîmés dans leur chair par l’expérience et diminués par le traumatisme, sont mis au rebut, sans option de réhabilitation. C’est une faute de l’Amérique – que d’autres films ont critiqué (par exemple le très récent THE CONTRACTOR de Tarik Saleh) – et pour mettre le pays face à son paradoxe, Tatum et Reid ont réveillé le meilleur du storytelling américain. Grâce au road movie, on visite les paysages de la côte ouest, les populations progressistes au nord – les bobos, les hippies –, les vétérans de Californie, on goûte aux déserts à perte de vue, à la mélancolie des motels. Le film scelle l’amitié entre deux âmes solitaires et laissées pour compte, l’homme et l’animal apprenant lentement à se faire confiance au fil des crises et des coups durs. Sans jamais anthropomorphiser Lulu – ce qui aurait pu infantiliser le propos –, Tatum et Reid parviennent à faire de cette chienne le symbole d’une maltraitance contemporaine, celle des sociétés de la fonction et de la performance, et oppose à cette souffrance la solidarité, l’amitié et l’entraide. Comme ses illustres modèles TURNER & HOOCH (de Roger Spottiswoode, 1989) ou CHIEN DE FLIC (de Rod Daniel, 1989), ce buddy movie danse parfaitement entre pure comédie et mélodrame sans jamais prendre le chemin facile du chantage émotionnel. Et un peu comme MAGIC MIKE – que Reid Carolin avait écrit –, derrière l’apparente futilité de l’histoire, le film est finalement social et âpre. Une réussite. 

De Reid Carolin et Channing Tatum. Avec Channing Tatum, Ryder McLaughlin, Aavi Haas. États-Unis. 1h40. Sur Amazon Prime Vidéo le 22 juillet

4Etoiles

 

 

 

 

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