UN MÉTIER SÉRIEUX : chronique

12-09-2023 - 18:48 - Par

UN MÉTIER SÉRIEUX : chronique

Après les couloirs de l’hôpital dans HIPPOCRATE, Thomas Lilti pose sa caméra dans le brouhaha d’un collège, au plus près du quotidien des enseignants. Elliptique, politique et émouvant. On n’avait jamais filmé les profs comme ça.

 

Au départ, c’est un film qu’on a l’impression d’avoir déjà vu. Le collège, les profs, les élèves, la pédagogie… Tout ça, le cinéma l’a filmé sous toutes les coutures. En en faisant toujours un récit édifiant. Une façon de nous donner à voir l’enseignement tel qu’on l’imagine – tantôt providentiel avec le prof hors du commun (syndrome POÈTES DISPARUS) tantôt en panne avec l’école à deux vitesses (syndrome ENTRE LES MURS). Une façon de filmer l’école pour ce qu’elle dit de la société. Rarement pour celles et ceux qui la vivent au quotidien. C’est le pari ambitieux – car luttant contre toutes les représentations préconçues sur le sujet – de Thomas Lilti. Prendre les profs au sérieux. Regarder ces corps au travail, filmer ce métier étrange qui consiste à incarner une autorité dans la douceur, ce métier à la fois central, pivot d’une vie et anonyme. Pour ce faire, Lilti débarrasse son cinéma de tout ce qui en a fait la rondeur jusque-là. UN MÉTIER SÉRIEUX n’est fait que d’ellipses, de bribes, de conversations de couloirs, de discussions, de réunions. Jamais Lilti ne cède à la facilité du romanesque. Conscient au fond qu’un prof n’est pas un idéal mais bien quelqu’un au travail, il montre la répétition des gestes, le vocabulaire bureaucratique qui devient une seconde langue, les réflexes du métier qui finissent par s’imposer. Une vision presque mécanique de l’enseignement que le réalisateur teinte de tout ce qui en fait l’humanité – mais aussi sa mélancolie. L’anonymat global des élèves qui ne font que passer, le temps qui passe à les voir avancer tandis qu’on reste dans la classe, le dilemme à exercer une autorité juste, la façon personnelle dont chacun de ses personnages exerce sa profession. Plus qu’un film choral, UN MÉTIER SÉRIEUX navigue entre les individus en essayant de ne garder d’eux que des instants, une sorte de SHORT CUTS dans un collège, créant peut-être une forme de frustration à ne pas voir les intrigues (amoureuses, personnelles, politiques) prendre toute la place. Lilti fait le pari du temps qui passe et laisse à sa troupe de comédiens et comédiennes, tous excellents, le soin d’incarner ce que le récit nous enlève. Les hésitations de Vincent Lacoste répondent au dépit de François Cluzet qui répond lui à l’optimisme d’Adèle Exarchopoulos que vient nuancer la raideur de Louise Bourgoin… Une boucle de personnages qui sans cesse reformule l’image du prof, déjoue ce qu’on attend d’eux. Quelque chose se noue là d’un sacerdoce, d’une vocation bizarre que l’air de rien, avec un minimum d’effets et de dramaturgie, le film donne à éprouver.

De Thomas Lilti. Avec Vincent Lacoste, Adèle Exarchopoulos, Louise Bourgoin. France. 1h41. En salles le 13 septembre

Note : 4

 

 

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