DUNE : chronique

03-09-2021 - 19:00 - Par

DUNE : chronique

Après avoir revisité avec succès BLADE RUNNER, Denis Villeneuve offre à l’un des romans de SF les plus connus et influents l’adaptation qu’il mérite. Du grand cinéma.

 

« Les rêves sont des messages qui viennent de loin », entend-on sur un écran noir avant que la première image de DUNE ait été projetée sur l’écran. Une confession ou un constat, pour Denis Villeneuve : cette adaptation du livre de science-fiction de Frank Herbert, le cinéaste québécois l’a fantasmée toute sa vie. Devenu un super-auteur, ces (rares) cinéastes premium auxquels les studios accordent leur confiance pour insuffler leur regard à des licences prestigieuses, Villeneuve se saisit de l’opportunité avec panache, sans trembler. En l’an 10191. L’univers tourne autour d’une ressource essentielle : l’Épice, que l’on ne trouve que sur une planète-désert inhospitalière, Arrakis. Au grand dam de la population locale, les Fremen, l’extraction de l’Épice est gérée par la Maison Harkonnen, jusqu’à ce que l’Empereur décide de la confier à la Maison Atréides. Une famille dont le fils unique, Paul, pourrait bien être le Messie, celui qui pourra voir au-delà de l’espace et du temps… Entre le roman de Herbert et le cinéma de Villeneuve, les passerelles thématiques abondent. Le double, la place des femmes dans une société patriarcale, la spécificité d’un langage, l’expérience du temps, les conflits de générations ou même, d’un pur point de vue de mise en scène, la confrontation, dans un même cadre, d’un humain à son environnement : tout Villeneuve converge, d’une manière ou d’une autre, vers DUNE. Sans doute est-ce la raison pour laquelle cette adaptation, forcément sélective mais pourtant fidèle de la première moitié du tome originel, apparaît si singulière. De la déférence des scénaristes et du cinéaste pour l’œuvre-source, naît autre chose, un objet unique. Entièrement tourné vers ses personnages qui tous existent avec leurs prérogatives et leur personnalité, DUNE se fait moins bavard que le roman – qui usait de l’art de la conversation pour construire sa dramaturgie. Il n’en perd toutefois pas l’esprit et, en prenant vie à l’écran, revêt peut-être encore davantage les atours d’une grande tragédie théâtrale. Les enjeux sautent de l’écran, comme hurlés par l’interprétation urgente d’acteurs impeccables – Timothée Chalamet, à ce titre, livre peut-être sa prestation la plus solide de sa carrière. La grande réussite de DUNE tient à ça : ne refusant jamais le spectacle et ses images iconiques lorsque le réclame la dramaturgie, Villeneuve réussit toujours à replacer l’humain au cœur de la mécanique. Un crédo passant par une incarnation visuelle naturaliste, parfois jusqu’au dépouillement. Loin de toute fantasmagorie, sans refuser pour autant une certaine étrangeté (de splendides gros plans visage ; le score de Hans Zimmer) voire une certaine luxuriance (le travail du chef opérateur Greig Fraser, remarquable de densité), DUNE crée une quotidienneté par laquelle le monde de Herbert se fait palpable, organique, plus proche que jamais de nous. D’autant que sa pertinence thématique – sur les enjeux écologiques de la surexploitation des ressources et les mécanismes de la colonisation – ajoute à ce sentiment de proximité et de contemporanéité. DUNE, monumental d’ambition et d’ampleur, parvient alors à une illusion troublante d’intimité. Preuve, un an après TENET, que le blockbuster peut rester un terrain fertile de propositions de cinéma évocatrices, humaines et spectaculaires. Reste plus à Denis Villeneuve qu’à asseoir sa vision avec DUNE PARTIE II, adaptation de la deuxième moitié du premier roman, promise ici par une fin forcément en suspens qui, seul véritable problème du film, le rappelle à sa nature industrielle.

De Denis Villeneuve. Avec Timothée Chalamet, Rebecca Ferguson, Oscar Isaac, Jason Momoa, Zendaya, Chang Chen, Josh Brolin, Charlotte Rampling, Stelin Skarsgård… États-Unis. 2h35

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