Criminalité et spiritualité s’entremêlent dans ce petit film déroutant, empreint du cinéma de Jacques Audiard.
Premier film d’Andrew Hulme, précédemment monteur pour Anton Corbijn (THE AMERICAN, CONTROL), SNOW IN PARADISE est une vraie bonne surprise : ce qu’on attendait comme une énième chronique criminelle « à la » PUSHER transcende littéralement le sous-genre pour se loger plus près du cinéma de Jacques Audiard, loin du film urbano-générationnel. Pourtant, à l’instar d’UN PROPHÈTE dont il serait le petit cousin admiratif, SNOW IN PARADISE ne renie pas sa dimension sociale. Nous sommes dans un Londres gangréné par la drogue, divisé en deux classes : celle qui boboïse la ville et celle qui subit, sans pouvoir la suivre, cette boboïsation l’enfonçant un peu plus dans la misère. Plus schématiquement, il y a ceux qui consomment de la cocaïne et ceux qui la dealent. Dès le premier plan, malin, tout est clair : Andrew Hulme nous place du côté de la classe prolétaire et ne compte pas défendre les foutus hipsters. Mais surtout, Londres est une ville dont le cosmopolitisme n’a jamais soigné le racisme, nous dit-il. SNOW IN PARADISE est un grand échiquier où se déplacent les pions de l’argent, qui se phagocytent et se dévorent… jusqu’à ce que la spiritualité rentre en scène et mette un terme à ce jeu de pouvoir insensé. Notre gangster en goguette, Dave, interprété avec force et grâce par le nouveau venu Frederick Schmidt (voir p.19), va de case en case et apprend par la manière forte « les valeurs et les règles » du crime organisé censées jalonner une vie et donner des repères, comme celles des écrits saints. D’abord bedonnant et débonnaire, il va être contraint, rapidement et sans autre forme de procès, à trouver qui il est pour survivre. Son reflet dans une flaque d’eau, dans un miroir, dans une vitrine… Dave, c’est d’abord une silhouette marquante, de grand geezer qui traîne ses guêtres au gré d’un quotidien dissolu. Il n’est pas vraiment lui- même jusqu’à ce qu’il devienne le guerrier pacifiste de sa propre cause. Film de gangsters, parcours initiatique, empruntant parfois les pistes du revenge movie… SNOW IN PARADISE picore un peu dans tous les genres et parvient, malgré des codes de cinéma très clairs et non moins familiers, à être singulier. Andrew Hulme a un sens du rythme et de la narration par l’image qui range immédiatement SNOW IN PARADISE dans la case des films de transe, déroulant sur un rythme fou et toujours droit devant, une course à bout de souffle vers la paix. Dans ses émotions et dans son parcours spirituel, SNOW IN PARADISE est d’une dignité et d’une maîtrise remarquables. Et le fait qu’il soit tiré d’une histoire vraie renforce d’autant plus sa puissance narrative.
D’Andrew Hulme. Avec Frederick Schmidt, Martin Askew, David Spinx. Grande-Bretagne. 1h48. Sortie le 4 mars
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