KINGSMAN : SERVICES SECRETS : chronique

18-02-2015 - 10:32 - Par

Matthew Vaughn invite toute la culture anglaise – la plus guindée comme la plus popu – à botter les fesses du désormais trop sérieux film d’espionnage. Jouissif et complètement cinglé.

Le polar col bleu (LAYER CAKE), le conte de fées (STARDUST), le comic book movie (KICK-ASS, X-MEN : LE COMMENCEMENT) : depuis le début de sa carrière de réalisateur – il a débuté comme producteur de Guy Ritchie –, Matthew Vaughn n’a eu de cesse de revitaliser à sa sauce des genres éculés. Des films exaltés, sautillants, souvent sarcastiques mais complices, nourris à la fois par la nostalgie d’un certain cinéma – celui jugé inconséquent durant les années 60 ou 80 – et par une remuante volonté de modernité et d’hybridation. En réaction au reboot viril et sombre de James Bond, le Britannique propose aujourd’hui KINGSMAN : SERVICES SECRETS. Vaguement basé sur la BD éponyme de Mark Millar – à laquelle il est bien supérieur –, KINGSMAN suit une organisation secrète et indépendante dont les gentlemen espions en forme de néo-chevaliers de la Table ronde sont chargés des missions les plus délicates. Parmi eux, Harry Hart (Colin Firth), faux snobinard et véritable machine à tataner. Lorsqu’un des agents de Kingsman meurt en service, ses comparses doivent proposer à leur patron un remplaçant. Harry enrôle alors Gary « Eggsy » Unwin (Taron Egerton), jeune prolo à la limite de la délinquance. Pendant que les hypothétiques jeunes recrues s’affrontent dans « l’entretien d’embauche le plus dangereux qui soit », Harry tente de déjouer les plans diaboliques de Valentine (Samuel L. Jackson), grand capitaine de l’industrie téléphonique… Armé de son ironie méta, Vaughn pousse ici le film d’espionnage dans ses retranchements cartoon. Un peu comme si le 007 originel de Sean Connery, tout en classe et en flegme, rencontrait la vivacité street de ATTACK THE BLOCK et le burlesque parodique d’AUSTIN POWERS. Scènes d’action brutales et vigoureuses, bande son au poil, bad guy over the top, femme de main fascinante, répliques et références hilarantes : KINGSMAN s’affiche en divertissement total, dont l’outrance ne se limite pas à être un vain clin d’œil mais le libère de tout complexe d’infériorité. « Quel dommage que nous ayons dû grandir », regrettent Harry et Valentine lors d’un face-à-face en forme de commentaire sur le film d’espionnage et sur l’émerveillement enfantin. Mais la force de KINGSMAN – outre d’être cet entertainment dansant avec brio sur le fil du grand guignol – réside au final dans le sérieux avec lequel est construite sa désinvolture. Vaughn et sa scénariste Jane Goldman fondent la folie du récit, l’énormité des situations et la potacherie des gags sur des bases remarquablement solides : des personnages aux actions clairement motivées, à la psychologie rationnelle – même dans leur démence – ; une relation entre Harry et Eggsy nourrie par un cœur émotionnel développé avec soin ; un propos simple et efficient sur la nécessaire porosité des classes sociales. De même, la narration alternée coursant deux lièvres – la mission de Harry et l’entraînement d’Eggsy – se déploie avec une fluidité emballante, ménage avec aisance les rebondissements et les cliffhangers. Souvent surprenant dans ses partis pris et assuré dans son mauvais goût, KINGSMAN évite du coup nombre de facilités, détourne les attentes du public, refuse de se plier à certaines règles du blockbuster contemporain. Et bouscule ainsi l’ordre établi avec insolence. Appelons ça un bras d’honneur amical.

De Matthew Vaughn. Avec Colin Firth, Taron Egerton, Samuel L. Jackson. Royaume-Uni. 2h08. Sortie le 18 février

 

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