PETER ET ELLIOTT LE DRAGON : chronique

16-08-2016 - 13:20 - Par

PETER ET ELLIOTT LE DRAGON : chronique

Après LES AMANTS DU TEXAS David Lowery change radicalement de genre et de style mais affirme de nouveau la délicatesse de son regard sur le sentiment humain.

 

Elliott-PosterDe E.T. à DRAGONS en passant par « Croc-Blanc » ou le récent VOYAGE D’ARLO, y a-t-il récit fondamentalement plus poignant et universel que celui de l’enfant et son chien ? À savoir l’amitié – pour ne pas dire l’amour – indéfectible entre deux membres d’espèces différentes qui, dans cette relation parfois secrète et souvent mal comprise, transforment le monde qui les entoure, font l’expérience de l’altérité de la manière la plus pure et fulgurante qui soit, s’épanouissent, s’affirment, guérissent de leurs maux… Avec son remake de PETER ET ELLIOTT LE DRAGON – qui ne conserve pas grand-chose du film de 1977 –, David Lowery nous invite à ce genre de récit, d’émotion primale, d’élan viscéral.

Venant de l’indépendance la plus farouche – il a débuté avec des micro budgets autoproduits – et révélé au monde avec l’élégiaque LES AMANTS DU TEXAS, Lowery semblait a priori un choix iconoclaste pour un tel projet mais la pureté de son regard déjoue tous ces pronostics. N’oubliant jamais qu’il souhaite en premier lieu s’adresser aux enfants, le cinéaste baigne PETER ET ELLIOTT LE DRAGON d’une douce intemporalité. En situant son récit dans une petite ville rurale et ouvrière, à une époque que l’on peine à dater, en usant de suaves chansons country folk, Lowery affirme non seulement son univers personnel, mais il parvient surtout à baigner son film dans une atmosphère presque irréelle. PETER ET ELLIOTT LE DRAGON, dans tout ce qu’il peut avoir de suranné, voire de folklorique, a ainsi tout du pur conte. Dans ce décalage, Lowery rappelle aux enfants qu’ils sont au cinéma et, en les protégeant ainsi avec le doux voile de la fiction, se permet d’aborder des sentiments d’une dureté affolante et d’une grande complexité. À ce titre la première séquence, dans laquelle Lowery filme de front la mort sans jamais la montrer – à la manière de Spielberg dans CHEVAL DE GUERRE –, puis fait surgir le merveilleux comme remède au chagrin, est tout simplement prodigieuse.

Elliott-PicLa famille que l’on a et que l’on prend pour acquise, celle que l’on découvre par la force des choses, celle que l’on se crée ; faire vivre les siens dans le souvenir et l’amour que l’on porte aux vivants… : PETER ET ELLIOTT LE DRAGON porte un regard délicat et dense sur les sentiments abstraits qui naissent dans le lien à l’autre. Là, la performance du jeune Oakes Fegley et ses yeux gorgés d’empathie s’avèrent fondamentaux, tout comme le caractère indiscutable d’Elliott qui n’apparaît jamais comme une créature CGI de plus mais comme un personnage vivant, vibrant. À la manière de Dean DeBlois dans DRAGONS, David Lowery capte en quelques plans la symbiose touchante qui unit Peter et Elliott.

Le réalisateur se révèle plus à l’aise dans le sentiment, le sensoriel, l’émotion pure, que dans le récit même. En effet, PETER ET ELLIOTT LE DRAGON trébuche sur le « pragmatique » et le quotidien, sur un humour guère maîtrisé, sur des dialogues expliquant ce que les images avaient parfaitement véhiculé, sur une caractérisation parfois paresseuse (le « méchant » campé par Karl Urban, le papy gâteau interprété par Robert Redford…). Le caractère enfantin et hors du temps du film semble dans ces moments-là forcé – et amoindri par ce qui semble être des formules ou des passages obligés. Reste que dans ses beaux silences et la force d’évocation indéniable de ses images, PETER ET ELLIOTT LE DRAGON parvient toujours à se relever, à donner vie à la magie, à rendre réel le conte, à bouleverser jusqu’aux larmes. À l’image de sa fin, mise en scène comme une ode à la joie n’oubliant pas ce qu’elle doit à la mélancolie.

De David Lowery. Avec Oakes Fegley, Bryce Dallas Howard, Robert Redford. Etats-Unis. 1h43. Sortie le 17 août

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